Juliette

Si vous voulez bien prendre un peu de temps – et ce temps-là n’est pas perdu !, je vous invite à écouter l’intervention de Juliette BINOCHE sur le site de Canal U. C’est la vidéo d’entretiens avec le public à la Cinémathèque française en novembre 2008. Il y a deux épisodes à écouter à la suite, plus un dialogue avec S.Toubiana, le directeur de la Cinémathèque

Elle est absolument remarquable ! Elle y parle magnifiquement du métier d’actrice, de l’énergie, des textes à apprendre, du souffle, de la danse, de la peinture, de l’écriture, de tout ce qui « passe à travers soi », … Tout ce qui habite une vraie pratique artistique.

L’artiste, le créateur, le spectateur

Pour être un artiste, il faut le talent, la chance, le travail. Mais c’est le spectateur qui fait l’art.

A l’occasion du Forum Culture Lille 2004 (La culture, une exigence collective, Lille le 16 décembre 2004), Jean-Pierre Vincent, comédien et metteur en scène, apportait cette précision: si le spectateur ne fait pas l’art, s’il n’est pas créatif, il est déçu. Il faut donc faire en sorte de laisser cette porte ouverte, pour que le spectateur soit un créateur.

J’ajoute que, dans la musique notamment, mais dans d’autres formes d’expression artistique, l’émotion est le vecteur majeur de cette possibilité.

J.P.Vincent ajoutait: il est important de ne pas faire de pédagogie. C’est l’art lui-même qui est pédagogue, et s’il apprend à comprendre, à se représenter le monde, c’est parce qu’il est un regard d’ailleurs, une folie, … Il faut qu’il reste cet ailleurs.

Nabil El Haggar, vice-président de l’USTL, poursuivait: la culture est une façon de comprendre le monde. Il y a beaucoup de gens qui veulent transformer le monde, mais peu qui font la démarche de le comprendre.

L’exercice de la culture est lié à l’exercice de la démocratie. La volonté de comprendre, de construire une représentation du monde, plurielle, venue d’ailleurs, en mouvement, est un préalable à tout exercice de transformation du monde (c’est mon commentaire).

A l’intérieur ?

Dans Voix off, Denis Podalydès évoque notamment la voix de Jean-Pierre Vincent (au Conservatoire de Paris en 1988). Il fait travailler les jeunes comédiens, avec une rigueur que Podalydès transcrit bien, dans une écriture hachée:

Il reprend la pièce entière, commente, argumente, alimente, sédimente, décèle l’impensé, chasse le préjugé, lutte contre le jeu en général, ce qui lui apparaît comme le comble de la convention bêtifiante: jouer en dehors de l’histoire, de la grande et de la petite histoire, dans une immobilité, une éternité sentimentale où seraient une fois pour toutes fixés les expressions, les émotions, les effets. Bercés dans et par cette illusion, nous nous croyons, nous sentons vraiment nous-mêmes, purs et sincères, délicieusement naïfs, fidèles à notre nostalgie d’enfance, nous nous laissons aller, rêvons, faisons semblant, ne voyons pas que nous sommes artificiels, vides, morts.

Un peu plus loin, c’est une belle leçon de théâtre, mais de ces leçons que tout musicien peut prendre: elle est paradoxale, apparemment; parce que nous n’arrêtons pas de penser, de croire et de tenter de faire croire, que c’est bien en nous, au plus profond, à l’intérieur, que se cache ce qui fait sens, ce qui donne chair à nos émotions, ce que nous avons donc de plus intime et de meilleur à partager.

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Esther Kahn

Dans le film d’Arnaud Desplechin, la jeune Esther Kahn fait son apprentissage de comédienne. Il y a cette scène extraordinaire dans laquelle son mentor lui fait traverser la scène, dans une large diagonale, en lui fixant pour mission de manifester, dans ce théâtre vide, à titre d’exercice, une émotion différente tous les 4 pas. Une leçon magnifique !