Vivre

Paul Valet explique quelque part:

La question valérienne par excellence, non pas : être ou ne pas être (comme le croyait naïvement Hamlet) mais la vraie, la seule et unique : comment être en ce monde tout en n’y étant pas véritablement ?

Et Maurice Chappaz, dans les entretiens publiés sous le titre de A-Dieu-vat:

(Vivre est une énigme).
Je trouve très heureux qu’on ne sache rien. Il y a un mystère, on ne sait rien et on doit vivre. Et vivre, c’est la réponse à cette énigme, à ce fait qu’on ne sait rien. Mais il y a une réponse à donner et pas n’importe laquelle.

Ce n’est qu’un début

Regardez ceci: Ce n’est qu’un début

Il y a quelques jours, quand j’ai placé cette bande-annonce, je pensais ne pas y ajouter un seul mot. Parce que ce film parle de lui-même et n’a besoin, je pense, – au moins pour ceux qui l’ont vu – d’aucun commentaire. Et puis, j’y reviens aujourd’hui, parce qu’il me semble important de dire à quel point ce film, l’expérience qu’il relate, me semblent exemplaires. Certains ont pu dire que « ça, ce n’est pas de la philosophie ». J’aimerais qu’on me dise alors ce qu’est la philosophie, toute philosophie possible quand on a 3 ou 4 ou 5 ans, et qu’on ne sait rien de la vie, mais déjà tout. Ces enfants sont extraordinaires, pense-t-on d’abord. Mais non. Ils sont tout simplement des enfants ordinaires à qui on apprend à parler, à penser, à écouter. Qu’est-ce qui nous manque donc, à nous, pour que nous soyons aveugles à ce point ? Qu’est-ce qui manque à ceux qui nous gouvernent, de quelle taie sont-ils aveuglés pour ne pas voir l’évidence ? Ce film est lumineux, absolument lumineux, tellement lumineux qu’il en est éblouissant. Et il a tout simplement le mérite de nous montrer que c’est nous qui ne savons plus ce que c’est, la philosophie. Je me prends à rêver: si nous redevenions capables de comprendre que là est le début du sens, le début de la vie !

Un des effets de la philosophie, si elle est correctement enseignée, c’est la capacité de voir au travers de la rhétorique politique, des arguments fallacieux, des duperies, du fumisme, du brouillard verbal, du chantage par l’émotion et de toutes sortes de chicaneries ou de fausses apparences.

Isaiah Berlin en toute liberté, Entretiens avec Ramin Jahanbegloo, p. 49

Destructions cosmiques

La terre serait-elle, pour finir, la seule habitée de toutes ces étoiles sans nombre ? Alors, un jour, au moment du partage de la succession, peut-être chacun de nous hériterait-il d’une de ces nébuleuses qui unissent en elles cinquante millions de soleils. Et pourquoi pas ? Après tout, elles ne sont que comme une tête d’épingle dans notre cerveau. Lorsqu’il pourrit dans la terre, il est semblable à des fermentations de paille humide, qui produit des voies lactées aux rubans verdâtres, des comètes arquées et des soleils tournoyants. Toutes ces choses sont des rêves de l’absolu, et les dimensions ne sont qu’illusoires. (…)

Ernst JÜNGER, Graffiti, p. 88