Le boum & le hey

Cynthia Loemij, danseuse de la Compagnie Rosas, expliquait que le geste qui fonde le travail de la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker est simple et s’illustre en deux interjections : le « boum » et le « hey ».

Le « boum » marque la battue, le point d’impact, le rapport au sol, à la terre, mais aussi à la mort, au « lâcher-prise ».
Le  « hey » est le cri de l’envol, de la posture aérienne, et symboliquement le mouvement de la vie.

Ces deux interjections ne s’illustrent pourtant pas dans un geste, mais s’expriment dans le souffle. Il y a là une belle analogie avec le travail du chanteur : dans le chant, le mouvement d’expiration – qui est celui de la profération, de la mélodie, du cri, … est un geste actif, tandis que le moment de l’inspiration correspond à la détente, à l’ouverture, il doit être le moment parfait du relâchement et de l’inactivité. Et non l’inverse. Le « boum » est donc inspiration, détente du ventre, du visage, reprise d’élasticité et retour vers le sol, ce qui est « en bas » ;  le « hey » est lié à l’expiration active, c’est le chant qui s’élève, le dessin aérien par excellence.

La pensée comme chorégraphie

Il est intéressant d’étudier les rapports entre mouvement et pensée.

La capacité réflexive, la pensée, sont liées à un mouvement d’arrêt, de retour sur soi, de repli vers soi, qui n’est pas compatible avec le fait d’aller toujours de l’avant. Dans la musique vocale – et notoirement dans le travail de la technique vocale, le double mouvement, complémentaire, contraire, en avant et en arrière, est important. La pensée comme la pratique artistique sont métaphoriquement de la chorégraphie.

Ma table de travail

Roses PalJ’ai sous les yeux, quand je travaille, ces roses de Palézieux. J’ai acheté cette petite gravure à Genève, par une après-midi d’hiver. Elle m’accompagne de son or et éclaire doucement le bureau sur lequel j’écris.

La revue Conférence a rendu de fréquents hommages au dessinateur, dans plusieurs numéros. Les éditions de Conférence ont aussi publié plusieurs livres d’exception, avec des gravures de Gérard de Palézieux: notamment un texte de Maurice Chappaz (Voici le garde-voie) et un texte de Philippe Jaccottet (Très peu de bruit).

Jaccottet a publié chez Fata Morgana (2005) ce petit hommage: Remarques sur Palézieux. Il y écrit notamment:

(…) des objets nourris, caressés, comme approfondis par le temps, des objets immobiles, arrêtés, et que voilà rassemblés dans une chambre qu’on ne voit pas mais qu’on devine silencieuse, fermée (et le paysage lui-même a souvent quelque chose d’une chambre), arrangés avec un soin patient, un tendre respect, sur une table, comme sur un autel domestique, pour un culte sans éclat, rendu à voix basse à une divinité silencieuse et sans nom.

Pour aller plus loin, voyez aux éditions de La Dogana, la très belle monographie consacrée à Palézieux.