Göttingen en mai

Je passe régulièrement à Göttingen depuis quelques années. La ville a gardé tout son charme, elle qui n’a subi pratiquement aucune destruction à la fin de la dernière guerre. Ce soir-là, le 18 mai 2015, le ciel est à l’image des conditions bousculées de la journée: chaleur, vent, rafales orageuses, soleil voilé, déchirures brusques, soudaine fraîcheur nocturne. Dans ce ciel, les hirondelles font des figures d’acrobates.

Dresde le 5 mai 2015 à 20h15

Dresde15aCe soir-là, depuis les hauteurs de Dresde, par dessus les toits en direction de Hellerau, j’assiste à cet incroyable coucher de soleil. L’or, le bronze, le noir, l’orange, … : tout est splendide, éclatant, tonitruant, et pourtant d’un calme extraordinaire, comme si le monde retenait son souffle.

 

Tatami

L’agrément qu’il y a à dormir sur le tatami, c’est d’avoir ainsi le dos collé au sol, de faire corps avec la terre et — quand le calme et le silence de la nuit le permettent — de sentir et de partager la vaste rotation dans laquelle elle vous entraîne. Les couvertures tirées jusqu’au menton, les mains à plat le long du corps on fend l’espace comme un boulet chauffé au rouge. On pense aux autres corps célestes, aux orbites qui s’infléchissent et qui divergent, aux attractions, aux répulsions, aux lentes figures qui se tracent à des vitesses inconcevables.

Nicolas BOUVIER, Le vide et le plein

Les nuages de G.M.Hopkins

C’est Annie Dillard qui, à la rubrique Nuages (Au présent, page 119), évoque les descriptions de ciels de Gerard Manley Hopkins. Je me rappelle, en effet, les avoir lues dans son Journal (1866-1875) publié par les éditions William Blake à Bordeaux. Elles sont magnifiquement évocatrices, d’un talent fou. La date précise, parfois au jour près, assortie d’une description aussi fine, est comme un puissant appareil nous projetant tout vivants dans le passé.

En voici quelques-unes.

1866
1er juillet

Tard dans l’après-midi, la lumière et l’ombre étant très violentes, le ciel se recouvrit d’une file de nuages en formes de blocs neigeux, et, au-dessous du soleil, le long de la ligne d’horizon, il y eut une multitude de chaînons contrariés, étincelants et frisottés, noyés d’ombres perlées. Le soleil s’est couché dans un bas-fond gris parsemé de taches et de nuées d’or humide, et l’horizon courbe était pavé de nuages lisses, couleur de plomb évidemment, mais plus ou moins ocrés et roses à leur partie supérieure. Des langues et des rayons entrelacés, combinés avec des boules obliques et floconneuses, s’y faufilaient. Traversant ces nuages-là d’autres nuages roses, comme des enclumes et des formes soufflées, verticales, laineuses toisons à sommet plat, menaçantes. Continuer la lecture de « Les nuages de G.M.Hopkins »