Sebald féerique

Ma découverte de W.G. SEBALD date d’il y a quelques années à peine. Je me demande encore comment j’ai pu ignorer ses livres aussi longtemps. Mais le bonheur de cette découverte tardive me rassure sur la possibilité qu’il me reste de faire encore d’autres découvertes aussi passionnantes, parmi les écrivains dont les oeuvres sont déjà accessibles, sans compter tous ceux qui vont encore apparaître dans le temps qu’il me reste de vivre. Avec Sebald, je n’ai que le regret de sa disparition prématurée qui nous prive probablement de beaucoup d’autres ouvrages, dont l’imagination peut établir ainsi une liste rêvée. Mais les livres disponibles me comblent déjà, d’un plaisir renouvelé à chaque lecture.

On a beaucoup écrit sur Sebald, sur l’ambiguïté délicieuse de ses récits qui mêlent – sans qu’on puisse les partager, l’histoire et la fiction, entretenant, avec un plaisir d’auteur que l’on soupçonne, la confusion du lecteur grâce à la production de documents photographiques comme autant de preuves dont on devine pourtant le caractère fabriqué. Mais nous voulons croire à tout cela, tellement heureux qu’on nous raconte des histoires ! Continuer la lecture de « Sebald féerique »

Une stratégie de révolution graduelle: l’ikki

Nadine et Thierry RIBAULT1 rapportent qu’un de leurs correspondants, actif après Fukushima, revendique l’adoption d’une stratégie de la révolution graduelle. Notre lutte consiste à fabriquer notre propre espace autonome. L’ikki, c’est quelque chose comme ça, ce sont des actions persistantes menées sur le long terme (…).

Et l’anthropologue Masanori Oda: Contrairement à la révolution, l’ikki ne s’inscrit pas dans une grande histoire, mais dans une petite narration, une petite histoire. L’Égypte ou la France, ce sont de grandes histoires. Au Japon, nous n’avons jamais eu de révolution. La révolution nous est dictée ou montrée par les Occidentaux. A la place de ce type de révolution, nous sommes en mesure de créer cent ou mille ikki.

Cette stratégie de « la mort par mille entailles » (nashikuzushi no ikki) fait le pari que de multiples micro-transformations individuelles pourraient introduire des éléments d’irréversibilité susceptibles de modifier le système social existant.

Le travail de deuil / incarnation

Le discours de l’historien reconduit les morts, les ensevelit. Il est déposition. Il en fait des séparés. Il les honore d’un rituel qui leur manque. Il les pleure. Car toute quête historique cherche  à calmer les morts qui hantent encore le présent et à leur offrir des tombeaux scripturaires. L’histoire est aussi une des modalités du travail de deuil, tentant d’opérer — avec bien des difficultés de tous ordres — l’indispensable séparation des vivants et des morts.

Annette WIEVIORKA, Auschwitz 60 ans après , pp.280-281