La loi ternaire

(…) la marche et l’organisation de la vie humaine, pour qu’elles soient bienfaisantes et efficaces, obéissent à la loi, non pas duelle mais ternaire. Toutes les grandes pensées – indienne, chinoise, hébraïque, grecque – ont eu cette intuition d’ordre ontologique. Elles font état d’une constatation universelle: dans la relation entre les êtres humains, comme dans celle que les humains entretiennent avec l’univers vivant, il y a toujours en présence les entités elles-mêmes et ce qui se passe entre elles, et au-delà d’elles (Yin et Yang, Vide médian). Il en va de même à l’intérieur de chaque être. Tout être, ici-bas, est constitué, non de deux, mais de trois éléments fondamentaux. [corps, esprit, âme]

François CHENG, Âme, in Europe, Abécédaire

Voir aussi sur ce point Ruach

Visions lunaires

Visions lunaires du désert sous la grande aile. Une lune qu’éclairerait un soleil matinal. La terre est ridée, vide, lourde, lourdement innocente, unie. Dès que vient l’eau vient l’homme, le morcellement, le patchwork universel des campagnes. Couleur verte et ocre du partage. Une route file droit dans le damier. Vu d’en haut, l’homme est discret, sympathique: un humble jardinier, une grosse et industrieuse musaraigne qui a fait des trous, des murets, des dessins.

Jean-Christophe Bailly, Phèdre en Inde, p. 72

Je me souviens précisément d’une image semblable, captée – sur le même trajet, à travers le hublot de l’avion qui me ramenait de Katmandou: en survolant l’Asie centrale, au petit matin, les plissages de montagnes désertiques de ce qui devait être l’Iran ou l’Est de la Turquie, pays inconnus pour moi, paysages où je n’avais aucun repère qui, de plus, vus depuis la plus haute altitude, étalaient, sur des centaines de kilomètres, le réseau de leurs vallées asséchées, les nervures de feuilles sèches de leurs plateaux. Je n’aurais rien tiré d’une photographie: l’exiguïté du hublot, la fugacité du point de vue, m’en dissuadaient. Mais j’en garde l’image étonnante.