Chanter c’est danser

Je note, dans le livre de Daniel LEVITIN [De la note au cerveau. L’influence de la musique sur le comportement], que comme dans beaucoup de langues, le verbe sesotho pour chanter (ho bina) signifie également danser : on ne fait pas la distinction puisqu’on considère que le chant implique des mouvements corporels.

Il s’agirait maintenant de chercher d’autres exemples et, si possible, d’en tirer quelque leçon pleine de sagesse… J’ai l’intuition que beaucoup de langues pratiquent cette combinaison sémantique, qui semble bien naturelle. Il n’y a que pour nous que la réconciliation entre chanter et danser demande un effort mental, avant de la transformer en pratique.

Agir par la poésie

J’ai été un militant politique et syndical actif. Sans renier mes convictions, j’ai choisi ensuite d’agir dans et par la poésie. Parce que j’ai foi en la poésie, en sa capacité à hausser les consciences, et que je crois comme Giuseppe Conte que « la poésie est la première forme de résistance spirituelle ». Parce qu’elle subvertit la langue commune et les représentations molles de la réalité, elle est une objection fondamentale à l’affaiblissement des consciences. Non pas tant en raison de ce qu’elle dit, mais de ce qu’elle est.

Jean-Pierre SIMEON, Un art du partage

L’idiome fondamental

L’écriture constitue un cas à part, une technique particulière dans un ensemble sémiotique largement oral. (…) Mais nous ne connaissons aucune population sur cette planète, qui ignore la musique. (…) Elle est l’idiome fondamental de la communication de la sensibilité et du sens.

George STEINER, Les Logocrates

S’il nous arrive de parler au monde, le monde nous parle-t-il et s’il parle, parle-t-il de nous ?

Jacques LACARRIERE, Sourates

Le manuel de langue

Un manuel de langue est fait pour être lu plusieurs fois à haute voix. On apprend par cœur des listes de vocabulaire où se rencontrent poétiquement des mots qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. Et l’on apprend la grammaire en lisant des textes sur le pays. Mais le savoir n’atterrit pas pour autant dans le tiroir prévu pour lui, il reste en travers de la gorge, il dérange le corps du citoyen. Quand on fait des exercices de langue, on forme des phrases radicales, exprimant alors des choses qu’on n’aurait jamais dites sans cela. Parfois aussi, on s’endort et on rêve, car cela fait aussi partie de l’apprentissage d’une langue. (…)

Yoko TAWADA, Trois leçons de poétique, p. 34