L’étranger

L’étranger, qui est-ce ? Il n’y a pas ici de définition suffisante. Il vient du dehors. Il est bien accueilli, mais selon les règles auxquelles il ne peut s’astreindre et qui de toute manière le mettent à l’épreuve – au seuil de la mort. Lui-même en tirera la « morale » qu’il exposera à de nouveaux venus: « Vous apprendrez aussi qu’il n’est pas facile de cesser de l’être. Si vous regrettez votre pays, vous trouverez ici chaque jour plus de raisons de le regretter; mais si vous parvenez à l’oublier et à aimer votre nouveau séjour, on vous renverra chez vous où, dépaysé une fois de plus, vous recommencerez un nouvel exil. »

Maurice Blanchot, Après coup, pp. 94-95 < Cité par J.F. Rey in Altérités [Les RV d’Archimède, 1998] p. 27

Les livres ne suffisent pas

La culture n’a jamais été aussi disponible. Elle n’en est pas moins en fâcheuse posture. Non tant à cause de sa marginalisation, que de son absence de lieu désigné. Les livres ne suffisent pas. Ce qu’il faudrait, en plus, ce sont des communautés de lecteurs. Un nous fondé sur leur lecture. Soyons honnêtes: la communauté ne suffit pas non plus. Ou pas toujours. (…) Comme le résume un autre personnage de Thomas Bernhard dans Oui: « Pour peu qu’on ait à proximité un seul être avec lequel on puisse, en fin de compte, parler de tout, on tient le coup, autrement, non. »

Olivier REY, Quelle vie, quel voyage, avec qui ?, in Conférence n°22, p.21-22