Le travail de l’acteur

Le travail du chanteur a tout à apprendre de celui de l’acteur: de la posture, de la verticalité, de la projection de soi comme de celle de la voix, du souffle, du son, des émotions mimées ou vécues, du partage du sens, de l’expression, tout, dans le travail de l’acteur nous intéresse. Comme le disait Jean-Michel Rabeux, lorsqu’il fut interrogé sur les risques courus par les acteurs (l’extrême des émotions, la mise à nu, …):

Ils assument ce que nous fuyons.

[in Le Chantier, F.Culture, samedi 21/01/2006.]

Le geste du passeur

La curiosité est une vertu d’homme libre et non de courtisan. Elle implique un éveil permanent pour lutter contre la torpeur, l’habitude, l’inertie, la faculté de toujours se laisser surprendre et la conscience de n’en avoir jamais fini avec le savoir, qui, lorsqu’on s’en approche, nous révèle ce qui reste à découvrir; la capacité aussi de prendre des risques: risque de rompre avec des certitudes, de se déstabiliser, de déranger, de troubler l’ordre convenu des choses. Paradoxalement cette pulsion, si largement partagée, est aussi le signe de ce qu’il y a de singulier en l’homme: chercher à savoir au-delà des connaissances élémentaires indispensables à sa survie et de ce qui semble strictement nécessaire. Il y a là une apparente inutilité proche de la gratuité. Comme toute passion, la curiosité pose la question des limites, justement parce qu’elle est sans limite. S’il y a un élan, une ampleur dans le désir de savoir, celui-ci trouve écho dans le geste du passeur: faire savoir et laisser découvrir, découvrir et dépasser, acquérir et transgresser.

Nicole CZECHOWSKI, La curiosité. Vertiges du savoir, Autrement, n°12, 1993.

Le rôle des comédiens

J’observe et j’écoute avec attention la réalisatrice Solveig ANSPACH sur Arte le 13/07/2004. Elle parle du théâtre, de la création artistique. Elle en parle très bien, avec beaucoup de sensibilité et d’intelligence. Elle dit : Il est difficile de traverser la vie comme en portant un plateau chargé de verres. 

Mais c’est précisément le rôle des comédiens, cette urgence, cette fragilité, et le mouvement de traverser notre vie/leur vie avec ce risque.

Un acte de création

L’acte de lecture est un acte fort de création, qui sollicite immédiatement et sans désemparer, l’imaginaire, le rêve,… Alors que le jeu multimédia, à l’instar de la télévision, ouvre sur un espace virtuel préformaté. Cet acte de création individuelle est un acte de liberté. Georges Steiner, dans sa conférence à l’ULB (Bruxelles, le 8 novembre 2004) positionne la liberté créative du lecteur contre la servitude de la reproduction stérile des langages formatés. Mais il est clair que cet espace individuel de liberté peut être ressenti comme risqué (par les sujets), comme dangereux (par le politique). Le trop célèbre et grotesque épisode dit « de la Princesse de Clèves » n’en est qu’une nouvelle illustration.

Michèle PETIT, dans son très bel Eloge de la lecture  [La construction de soi], 2002, l’exprime en d’autres mots:

Nous avons besoin du lointain. Quand nous grandissons dans des univers confinés, ces fugues peuvent être vitales. Et pour tout un chacun, elles étayent l’élaboration de l’intériorité et la possibilité même de la pensée. Comme disait Montaigne, « nous pensons toujours ailleurs ». L’agrandissement de l’espace extérieur permet un agrandissement de l’espace intérieur. Sans cette rêverie qui est fuite du proche, dans des ailleurs illimités dont la destination est incertaine, il n’est pas de pensée.