L’excessif est la seule mesure

Qui va donc la secouer un peu, cette jeunesse à tout asservie? Qui va lui apprendre qu’un homme qui n’affronte pas sa solitude n’est pas vraiment un homme; qu’une pensée qui ne se heurte pas au doute et au mystère n’est pas une pensée; qu’une sagesse qui ne mène pas au risque n’est pas une sagesse; qu’un avenir déjà connu est un passé raté; qu’un plaisir qui ne bouleverse pas n’est pas un plaisir; qu’affronter, très jeune, l’idée de la mort empêche de croupir toute sa vie dans les plans de carrière et les mamours des banquiers; qu’il faut admirer sans retenue ce qui mérite de l’être et jeter le reste, sans colère inutile mais sans faiblesse, à la poubelle de l’oubli; que, pour tout ce qui compte vraiment, l’excessif est la seule mesure.

Jean Sur, « Un tandem infernal », sur Résurgences – Destin

Le Jardin

Nous l’avons oublié … mais nous l’avons connu
Ce Jardin de bonheur et de toutes vertus.

Grand verger traversé par le vent de la plaine
souffles chauds, vols d’oiseaux, bruit de feuilles, silence.

Enclos sur la colline et tout autour, le ciel,
et l’horizon bleuté et sa courbe profonde.

Prairies, fier pays, héritage, domaine
où nous vivons tous deux de sources et de miel.

Et l’Arbre ! Paradis, branches jointes, murmures,
sanctuaire élevé à nos humaines joies,

coupe où sans nous lasser nous goûtons à la vie,
dôme au travers duquel nous cherchons notre ciel.

Arbre aux heures lentes, grand livre ouvert, sagesse,
et reposoir mouvant de nos calmes pensées.

Françoise LYON, La Joie secrète, 1975
[ma mère, en hommage]