André Dhôtel selon Bobin

Je pense que Dhôtel a toujours parlé de l’avenir: il n’a parlé que de ce qui s’entête à pousser sur les ruines. Il a su nommer les ronces, l’éclat d’une boîte de conserve ou d’un coquelicot, qui sont ce qui nous reste quand tout est défait parce qu’ils ont une lumière invincible. Dhôtel est encore un peu en avance, car on en est presque arrivé aux ruines. La bienfaisance de ses livres va grandir parce qu’on aura besoin alors de l’éclat consolateur de ces toutes petites choses.

Christian BOBIN, La lumière du monde, p. 71

La littérature selon Bergounioux

À côté de la sphère du sens commun, du commentaire hâtif, approximatif dont la lueur incertaine guide nos pas sur le chemin de chaque jour, il existe des versions approchées, amples, inouïes, étincelantes de notre expérience, celles que la littérature, et elle seule, est susceptible d’en donner. C’est là, et nulle part ailleurs, que nous pouvons découvrir le sens de l’affaire à laquelle nous nous trouvons mêlés et qui tend à nous échapper parce que nous n’avons pas la force ou simplement le temps. Qui n’a pas accès aujourd’hui à la littérature est, à son insu, frappé d’infirmité, cette part de lui-même qui a nom discernement, liberté, enfouie aux oubliettes, absentée. Le papier, lire, étudier ne sont pas des fins en soi mais des moyens, l’équivalent, dans l’ordre qui est le nôtre, de la griffe du chat, des ailes de l’oiseau. Nous sommes des êtres de langage à qui se pose d’entrée de jeu et jusqu’au bout la question de leur sens.

Pierre BERGOUNIOUX,  » Comme des petits poissons « , in La littérature dès l’alphabet, ouvrage collectif dirigé par Henriette Zoughebi. Éditions Gallimard  » Jeunesse «