Et que disent-ils de la beauté ?

Merveilleuse diversité, qui éclaire notre pratique et modifie notre sensibilité...

Sylvie Crossman & Jean-Pierre Barou, Enquête sur les savoirs indigènes, Les Navajo: un peuple médecin, p. 143

Les auteurs notent que le mot hozho, dans la langue des Navajo, signifie à la fois beauté et santé.

En japonais, on dit de la beauté qu'elle remplit l'air (kaoru). A la façon d'une senteur.

Ito Naga, Iro ma ka mo, la couleur et le parfum, p.12

La beauté et la peur

J’extrais ce passionnant ouvrage, le 2e volume de Partages, de André Markowicz. Il est fait de ses chroniques publiées régulièrement sur Facebook depuis 2013. J’y reviendrai par ailleurs, notamment sur le rôle du traducteur – Markowicz est un traducteur/auteur exceptionnel. Dans son article daté du 9 septembre 2014, il parle de Macbeth, la pièce de Shakespeare et en particulier du son.

Il note, et je suis saisi par cette évidence:

Macbeth est une pièce qui fait peur, et c’est une pièce sur la peur. – Pas seulement la peur de la mort, la peur du sang, la peur des fantômes ou de ses propres fantômes. Non, la peur de la beauté, peut-être… La beauté comme élément insupportable. La réaction de Nastassia Filippovna devant l’Idiot. Ce que Rilke devait résumer en une formule: Jeder Engel ist schreklich – « chaque ange est terrible ».

Mono no aware

mono-no-awareDans Cinq méditations sur la beauté (p. 26), François CHENG évoque le fait que la beauté nous paraît presque toujours tragique  — hantés que nous sommes par la conscience que toute beauté est éphémère.

De même, dans le grand récit héroïque japonais, dit du Genji, s’exprime ce sentiment douloureux de la beauté que les Japonais appellent «mono no aware».
C’est le sentiment que nous pouvons ressentir devant l’œuvre d’art, cette conjonction d’émerveillement et de souffrance, celle qui naît du sentiment de la fugacité de ces instants de bonheur irrépressible, puissant.


La lecture du petit livre de Ito Naga 1 m’amène à ajouter [juillet 2015] cette citation:

Mono no aware, c’est l’émotion que l’on éprouve devant les changements subtils de la nature.

Mais Ito Naga ajoute, sibyllin:

Il se trompe en pensant que Mono no aware signifie « nostalgie », mais on devine pourquoi il pense ainsi.