Les risques du métier

J’aime les films de J.Bond. Les plus anciens sont des pièces d’anthologie, même si aujourd’hui la violence cynique et les effets spéciaux dont ils n’étaient pas encore chargés les remisent au rayon des jeux d’enfants. Un des films de la période intermédiaire [The world is not enough – 1999], celle de l’emblématique Pierce Brosnan, offre une scène érotico-romantique entre le célèbre 007 et la belle Sophie Marceau. Ils sont au lit, après l’amour – du moins peut-on le déduire, et elle le questionne: James, quand vous ne travaillez pas pour la couronne britannique, à quoi passez-vous votre temps ? Il répond: « I take pleasure … in great beauty », ce qui est à la fois une esquive mais aussi un joli compliment.

Mais par un de ces raccourcis dont les sous-titres sont coutumiers, cette réplique pleine de charme s’est soudain transformée en un méprisant « Je m’occupe … autant que possible », qui relève d’une incroyable goujaterie, et le spectateur francophone peut être légitimement surpris que Sophie Marceau ne se lève pas pour le gifler !

Moralité: ne regardons que les films en V.O.

Se rencontrer

Se détacher de l’origine, apprivoiser et accueillir le vide de la séparation, permet le lien imaginaire avec un autre rencontrable. Celui qui reste fantasmatiquement fixé à l’origine, ne lâchant pas prise sur elle, ne peut accueillir ce qui arrive, être disponible, ouvert à l’inconnu en acceptant la part d’incertitude.

Elisabeth GODFRID, Des inventeurs pour une coexistence


On peut toujours se séparer. Le plus dur, c’est de se rencontrer.

Dans le très beau film Once we were stranger.


L’homme n’existe, ne se constitue, ne grandit, ne s’épanouit qu’à l’aide d’autres hommes. Le mystère de la relation dépasse de beaucoup le mystère de l’être.

Jean ZIEGLER, Retournez les fusils ! p. 12

La maison de Jean

valerie-garelLa maison de Jean est un film de Valérie Garel. Un film sur son père, Jean Garel, et sur la vie de ce moulinage dont il avait hérité, qu’il a fait tourner jusqu’à la faillite, et qui a disparu avec lui. Le film est étrange mais remarquable, cruel mais admirable règlement de comptes avec un père, avec l’enfance, avec le passé.

J’ai eu la chance de rencontrer Valérie Garel cet été 2011, au Champ la Lioure. C’était une belle rencontre, qui ne s’oublie pas.

Je déambule à travers la propriété familiale en Ardèche, où cinq générations se sont succédé à la tête de moulinages, usines textiles qui fabriquaient la soie. C’est l’hiver. Le lierre s’enroule autour des fenêtres béantes. Le constat de délabrement avancé des bâtiments est cruel. J’évoque la vie de mon père, dernier patron du lieu, nos relations houleuses, et cela dès le jour de ma naissance ! Je me promène maintenant dans sa maison. Chaque pièce respire encore sa présence et témoigne de son goût pour les agencements insolites. Au fil de la narration se dessine un portrait, qui se révèle être le dernier. [Sednafilms – 2010]  – Voyez aussi le web, ici et encore .

Le Guépard

Il y a quelques jours, j’ai revu Le Guépard de Visconti, avec Burt Lancaster, Alain Delon et la très belle Claudia Cardinale. Je me souvenais de l’avoir vu, il y a bien des années, sur grand écran et un certain nombre de fois sur un écran de télévision.  Mais là, quel plaisir ! Je dois confesser ma totale fascination, à chaque moment, pour chacune des scènes de ce film. On y est plongé, immédiatement, et pour toute la durée de la séance – plus de 3 heures, dans l’atmosphère merveilleuse de scènes dont tous les détails sont extraordinairement soignés: depuis la prière du rosaire de la scène initiale jusqu’aux derniers galops du bal qui s’achève à l’aube. La durée inhabituelle du film pèse de tout son poids sur le spectateur, le submerge, le dissout complètement dans ces quelques journées de la vie de la maison Salina.