En 2012, premier voyage en solitaire vers l’est de l’Allemagne : j’en ai dit un mot. C’était la première fois que je prenais cette route que j’ai parcourue ensuite avec bonheur chaque année. Anvers, Eindhoven, Venlo, le passage encombré de la Ruhr, ensuite se laisser filer sur une route de crête vers Kassel, puis le détour par Göttingen. En 2012, je suis allé jusqu’à Torgau, puis retour par Leipzig, Naumburg et Weimar, Erfurt, Eisenach, … Cette année-là, j’ai gravi l’Ettersberg pour me rendre à Buchenwald. C’était un lundi, je m’en souviens parfaitement, le musée était fermé mais le camp était accessible au visiteur. Le choc fut immédiat et inoubliable : l’entrée passée, un panorama extraordinaire se déploie sous mes yeux, le plus beau paysage du monde, de champs, de prés, de forêts qui dévalent la colline et déroulent infiniment jusqu’à l’horizon embrumé une campagne magnifique. Comment concilier le souvenir de l’humiliation, de la torture et la mort avec un espace aussi splendide ? Je suis broyé par l’émotion.
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243 Riverside Drive
Paul Celan
Depuis de nombreuses années, je lis – par intervalles, parfois très longs -, la poésie de Paul Celan, dans des éditions bilingues, texte allemand et français en « juxta », comme on disait. Dans le deuxième volume de Partages, André Markowicz dit si justement cette impuissance à franchir la barrière de la traduction.
Il y a trois poètes allemands qui m’accompagnent, toute la vie. Hölderlin, Rilke et Celan. Je ne peux en lire aucun. Je ne peux, pour chacun d’eux, que tâtonner autour des ombres que sont les traductions, en essayant de deviner l’immensité – pas deviner l’immensité, parce qu’elle est évidente. Non, deviner les détails, les preuves. Deviner les illuminations que contiennent tous les textes que je lis d’eux. (…)
Je ne comprends que par bribes la façon dont Celan peut casser la langue allemande, mais je comprends que, s’il est possible, lui, c’est qu’il est dans la langue allemande, – devrais-je dire qu’il est, après-guerre, la langue allemande en tant que telle, exsangue, noir-jaune, et fulgurante de toute sa douleur accumulée ?