J’ai ouvert cet « atelier » pour y déposer mon expérience de lecteur, de musicien et d’explorateur curieux de toutes les pratiques intellectuelles et artistiques. J’avais pensé un moment écrire un livre sur la pratique artistique, mais j’ai renoncé à ce projet. Un site comme celui-ci me paraît plus adapté au mode de communication actuelle, à sa liberté, à la gratuité qui doit en rester la première condition. J’ai donc choisi la possibilité, à la fois, de construire graduellement ma réflexion, de partager cette progression et, si possible, d’échanger avec des lecteurs aussi curieux que moi. Dans un espace libre de toute contrainte, adaptable en continu. L’idée de l’Atelier public était née.
Je suis d’abord un lecteur. J’ai toujours connu et aimé les livres, depuis ma plus tendre enfance: c’est l’héritage que je considère comme le plus précieux. Depuis plusieurs années, j’ai annoté des centaines de fiches qui ont constitué progressivement une toile, un réseau de concordances que le hasard de mes lectures et de mes rencontres a tissé. Je suis captivé par les coïncidences, les effets d’échos, les affinités qui relient, tout à coup, des domaines très éloignés, dans le temps, dans l’espace.1
J’ajoute 2: pourquoi cet intérêt pour les échos morphologiques, pour les rapports distants entre des formes de domaines différents ? sans doute parce que j’ai le souci de réunir ce qui est éloigné. Ou encore parce que ma curiosité, mon « attention » extrême au moindre signe de connivence me rendent particulièrement sensible à ces échos, à ces ressemblances …3
Je suis musicien, par goût, par disposition intime et dans une pratique régulière depuis très longtemps. Je pratique la direction de chœur depuis 1982. Cette expérience a considérablement enrichi ma compréhension de la pratique musicale amateur. C’est aussi le fruit de cette expérience que je veux faire partager. Enfin, je considère que toute démarche artistique et intellectuelle est aussi une démarche politique, qui interroge notre humaine capacité à partager la même vie, dans la même histoire. Cette conviction nourrit ma triple curiosité d’homme libre: celle du cœur – pour l’extraordinaire diversité du monde, des « frères humains » qui l’habitent, mais aussi des plantes, qui ont des stratagèmes qui dépassent notre entendement; celle de l’esprit – pour la culture – la nôtre (poésie, philosophie, histoire, ..) et les cultures du monde; celle des sens, pour la musique et d’abord la musique de la voix, dont j’ai une longue pratique et connaissance.
J’aime follement apprendre, follement comprendre et follement transmettre.
[Mais ces trois temps ne sont qu’un seul geste, permanent…]
Erik ORSENNA, dans une émission du matin, France Culture, le 12 mai 2010.
- Ces coups de sifflet du réel, comme les nomme Jean-Christophe Bailly.
- le 31 décembre 2012
- Lorsqu’en lisant, comme il m’est arrivé ce mois de novembre, des auteurs bien divers, on tombe sur de nombreux passages qui se relient entre eux, on est tenté d’y voir une trouvaille, un hasard heureux. Or c’est là bien plutôt le fruit que porte une existence passée dans le commerce des livres, et dont chaque jour ou presque a connu ses lectures, même durant les guerres. Ce ne sont pas les choses qui se sont reliées, mais les mailles du filet qui se sont resserrées – de telle manière qu’il n’y a plus guère de moments où le filet remonte vide. Ernst Jünger, Soixante-dix s’efface I, p. 494