La découverte progressive de l’inattendu

A la fin du travail que j’ai mené avec l’ensemble vocal Koriolis (Gand), au printemps 2013, une des choristes me disait combien elle avait été gênée par le fait que je ne leur avais pas donné, dès le début de notre travail  – au contraire de leur chef permanent – d’indications précises sur le résultat final à obtenir.

C’est vrai, je ne commence jamais le travail avec des directives précises. Je cherche avec les chanteurs et nous construisons donc ensemble, progressivement, le résultat musical. Les indications que je leur donne sont comme des guides, des balises, pour inscrire une trace, au plus juste. Elles ne forment jamais la représentation d’un résultat attendu (lequel d’ailleurs ? le mien a priori ?), ni l’indication formatée d’une idée préconçue que j’aurais de ce résultat. Je suis bien plutôt attentif à l’exigence d’expressivité, à la liberté du souffle, au mouvement… Le chemin plutôt que le but, les jalons plutôt que la destination qui, elle, reste à découvrir, derrière la crête, au-delà de la porte qui s’ouvre sur un pays nouveau, inconnu, inaperçu encore.

Je suis intimement convaincu que cette élaboration partagée est infiniment plus riche, née de la pratique, donc d’une découverte progressive de l’inattendu. Continuer la lecture de « La découverte progressive de l’inattendu »

Un cadeau ?

Cette impossibilité à dire absolument la création, cette marche nocturne et tâtonnante vers un point d’eau que la fugacité, la précarité mais aussi la lourdeur de la condition humaine vous interdisent à tout jamais d’atteindre est sans doute le plus grand cadeau qu’un vivant puisse faire à son semblable.

Nicolas BOUVIER, Holan, p. 27

Diriger ?

Juliette BINOCHE, interrogée par Jérôme Clément [À voix nue I, le 4 janvier 2010 – la première d’une série de 5 émissions captivantes, comme tout ce que présente Binoche].

A un moment, il est question de la direction d’acteur.
Diriger, être dirigé … ?

Diriger : drôle de mot, dit-elle, quel que soit le champ artistique. Pour elle, il s’agit plutôt d’un partage de vision, de sensibilité et d’écoute. Je retiens la proposition qu’elle fait, absolument convaincante: On ne peut diriger personne ; on peut inventer une relation qui permette des perceptions communes.

Accompagner

Claude LEFORT, dans une conférence qu’il a donnée le 17 novembre 2007, rappelle: dans toute démarche herméneutique, dans tout travail d’interprétation (d’un texte, d’un programme, d’une injonction,…), nous devons renoncer au projet de maîtriser le texte mais plutôt choisir l’accompagnement de sa signification. Il nous faut accompagner le sens et non vouloir le maîtriser.

Par analogie, je travaille sur ce geste d’interprétation: accompagner la ligne musicale et non pas vouloir en prendre possession. Physiquement, il est très important de figurer le geste de l’accompagnement, quand le bras s’arrondit pour laisser le passage, ou quand le bras s’offre pour accorder le pas, … etc.
Constamment , je reprends ce travail de l’accompagnement : ne prenez pas votre voix en otage, ne cherchez pas à maîtriser le son ou la musique, mais ayez simplement ce geste d’accueil, de soutien, … La sonorité de l’ensemble en est transformée. Mais – en répétition, et souvent ! – il faut absolument le geste.