Parler pour les muets

Un écrivain possède une petite voix publique. Il peut s’en servir pour faire quelque chose de plus que la promotion de ses œuvres. Son domaine est la parole, il a donc le devoir de protéger le droit de tous à exprimer leur propre voix. Parmi eux, je place au premier rang les muets, les sans voix, les détenus, les diffamés, par des organes d’information, les analphabètes et les nouveaux résidents qui connaissent peu ou mal la langue. Avant d’être amené à m’intéresser à mon cas, je peux dire que je me suis occupé du droit à la parole de ces autres-là.

Ptàkh pìkha le illèm: « Ouvre ta bouche pour le muet » (Proverbes/Mishlé 31,8). Telle est la raison sociale d’un écrivain, en dehors de celle de communiquer: être le porte-parole de celui qui est sans écoute.

Erri de LUCA, La parole contraire.

La trace

[Ce post fait suite à L’expressivité du sensible, L’expressivité du sensible II]

Il est intéressant de noter que, à partir du travail du mouvement dans la pleine conscience du corps, s’installe une trace. Elle s’inscrit progressivement – dans la mémoire corporelle, dans l’écoute individuelle et collective. La répétition n’est plus alors un espace de reproduction technique, mais se vit comme une expérience répétée, renouvelée, d’expressivité, qui inscrit cette trace : trace de mobilisation du système nerveux, trace émotionnelle, trace de sens. C’est bien là pour moi l’enjeu véritable du travail répétitif.

Il est question du rapport au corps / à sa liberté / à son expressivité. Qui modifie complètement l’expression musicale, la qualité, l’émotion, et donc la transmission. Là tout se joue.

L’expressivité du sensible II

Ce post fait suite à L’expressivité du sensible. J’en tire des pistes de travail pour les chanteurs/chanteuses.


  • La recherche des sources d’expressivité dans la voix incarnée/incorporée. Le rapport au souffle, qui est la clé, le vecteur, l’instrument véritable. Le rapport au corps comme instrument complet, non clivé, « organisme-personne ».
  • Travailler sur les micro-mouvements (intérieurs et extérieurs). Développer l’attention, l’écoute interne, individuelle, mais aussi collective, en pratiquant les échanges de micro-mouvements (mobilisation pour autrui, de l’épaule, du cou, de la tête, du bassin, etc …).
  • Partager la sensation du toucher ; de la chaleur, …

Continuer la lecture de « L’expressivité du sensible II »

Juliette, encore

En janvier 2010, Juliette Binoche était sur France Culture, dans une série d’entretiens qu’elle accordait à Jérôme Clément1. Je trouve toujours absolument remarquable la connaissance qu’elle a de son art, la compréhension de son métier. C’est une des artistes les plus intéressantes que je connaisse.

Dans le premier entretien – celui du 4 janvier, elle parle de la volonté, cette volonté de bien faire, … Elle dit: Cette volonté doit être cassée. Parce qu’on n’avance pas qu’avec la volonté, on avance aussi avec les laisser-faire, avec les arrêts, avec les brisures. Et là aussi, on a besoin de l’autre pour nous arrêter.

Et un peu plus loin: L’écoute, ce n’est pas une maîtrise. L’écoute de l’autre, c’est se laisser porter ; même s’il y a une négociation interne avec le désir qu’on a de soi et le désir de l’autre, mais cette négociation est magique quand il y a synergie, … qu’on ne sait plus qui crée quoi.