L’expressivité du sensible

Mai 2013, Paris.

Je passe une attentive après-midi avec Thierry Heynderickx [Expressivité du sensible]. Il nous parle de l’expressivité, des émotions, et nous fait travailler. Nous sommes six participants. La journée est froide et pluvieuse.

Je note ensuite ce qui rencontre mes préoccupations de musicien, dans ma pratique de direction de chœur. J’ai le plaisir de la reconnaissance: j’y suis pleinement, c’est – dans le travail proposé par Thierry – très exactement ce que je cherche depuis des années.

La relation au corps en mouvement ne trouve pas seulement sa place dans le travail du comédien ou du danseur, mais dans la vie quotidienne de chacun d’entre nous.

C’est une relation perceptive, attentionnelle : comment développer l’attention lucide, délibérée, soigneuse, à l’expressivité ? [L’expressivité qui est à entendre comme un rapport qualitatif à son expression].

En privilégiant une continuité qualitative, dans le mouvement, pendant l’action et non après celle-ci. Une présence attentive et continue au mouvement de la vie.

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Coexistence

Partons de la notion de « réforme », définie comme une amélioration partielle et progressive dans le domaine moral ou social, opposée à « révolution ». Amélioration pour qui ? Pour l’ensemble de la société, elle concerne l’intérêt commun, et, dans ce cas, ne peut être que pro-posée, c’est-à-dire présentée préalablement au regard, enjeu public, débattue par des intérêts pluriels, éventuellement conflictuels, visant néanmoins un accord. Par lui, la part des uns, la part des autres est censée trouver son compte, autrement dit une négociation bénéficiant à tous. Cette négociation suppose des concessions, une forme de lâcher-prise permettant un compromis, une conciliation. Insistance ici d’un cum qui marque et la procédure, se mettre ensemble, et la visée, une politique de coexistence permettant à chacun les moyens d’une existence et de son projet. Ce cum témoigne d’une vigilance à ne pas léser certains, remettant alors en exergue la parole de Solon à l’aube de la démocratie : « un tort fait à l’un nous concerne tous ». 1

Extrait d’un passionnant article de Elisabeth Godfrid: Des inventeurs pour une coexistence. Réformes et lâcher-prise, sur le site EspacesTemps. A lire entièrement, évidemment.

Chanter le Kanon Pokajanen

Kanon Pokajanen – Arvo Pärt 2

Chanter le Kanon Pokajanen, c’est faire l’expérience physique du temps, une expérience presque douloureuse mais vitale : le déploiement de l’œuvre dans son temps propre nous insère dans un temps contracté, dans lequel tout repère nous est retiré. Deux heures de musique et, au bout du compte, plus rien qu’une suspension, plus rien que la fatigue illuminée, radieuse, la sensation d’un éclair qui nous aurait traversé le corps.

Pour le temps que nous pouvons à peu près compter, le temps de notre vie, celui qui passe irrémédiablement, la longue fréquentation d’une œuvre aussi importante, sur près de 10 ans, représente une part énorme. Elle établit une longue et féconde familiarité avec les formules sacramentelles, celles de cette prière de contrition que nous commençons à connaître – non pas à connaître par cœur comme on apprend un rôle au théâtre, mais à re-connaître, intimement, comme si ces paroles de pénitence dans cette langue inconnue, nous en étaient devenues si proches, que nous en percevions comme l’héritage mystérieux, presque la nostalgie d’un pays que nous aurions habité. Continuer la lecture de « Chanter le Kanon Pokajanen »