Le chemin du passé

Le chemin du passé est facile d’accès (n’importe quel souvenir de temps révolus permet d’y entreprendre une excursion), le trajet est rapide et commode (quelques moments de calme suffisent généralement à opérer la transition) et sur place les restrictions de circulation s’avèrent quasiment inexistantes (la mémoire et l’imagination, les plus intimes et inventifs compagnons de route, y veillent systématiquement). Et quel que soit le déroulement du voyage, on peut progresser à un rythme confortable, que l’on explore des sites d’intérêt particulier ou que l’on se rende d’un endroit à une autre, sans tracas ni hâte. Aussi est-il parfois quelque peu déconcertant de retourner brutalement dans le pays du présent, si enclin à la précipitation.

Keith Basso, L’eau se mêle à la boue dans un bassin à ciel ouvert, p. 25

Douloureuse

La mémoire, où que tu la touches, fait mal.

Georges Séféris, Pages de journal, 27 mars 1950

Au moment où, à nouveau, je me penche sur mon enfance, Séféris pointe juste.

J’avais noté, en tête de cet écrit qui peut-être ne verra jamais le jour, une ligne piochée dans la réserve quasi inépuisable du Marché de Résurgences de Jean Sur:  Et naturellement l’enfance. Non pas comme éponge à regrets. Comme magasin d’armement.

Je note, plus tard:

Je suis en plein complot avec l’ombre.

Francis Ponge