La découverte progressive de l’inattendu

A la fin du travail que j’ai mené avec l’ensemble vocal Koriolis (Gand), au printemps 2013, une des choristes me disait combien elle avait été gênée par le fait que je ne leur avais pas donné, dès le début de notre travail  – au contraire de leur chef permanent – d’indications précises sur le résultat final à obtenir.

C’est vrai, je ne commence jamais le travail avec des directives précises. Je cherche avec les chanteurs et nous construisons donc ensemble, progressivement, le résultat musical. Les indications que je leur donne sont comme des guides, des balises, pour inscrire une trace, au plus juste. Elles ne forment jamais la représentation d’un résultat attendu (lequel d’ailleurs ? le mien a priori ?), ni l’indication formatée d’une idée préconçue que j’aurais de ce résultat. Je suis bien plutôt attentif à l’exigence d’expressivité, à la liberté du souffle, au mouvement… Le chemin plutôt que le but, les jalons plutôt que la destination qui, elle, reste à découvrir, derrière la crête, au-delà de la porte qui s’ouvre sur un pays nouveau, inconnu, inaperçu encore.

Je suis intimement convaincu que cette élaboration partagée est infiniment plus riche, née de la pratique, donc d’une découverte progressive de l’inattendu. Continuer la lecture de « La découverte progressive de l’inattendu »

Le chemin

A l’origine, au début de la pratique, dans la plupart des cas, il n’y a pas de projet. Il y a l’occasion, la rencontre, le petit déclic qui vous poussent sur une voie plutôt que sur une autre, le choix d’une des nombreuses potentialités de la vie, que l’on exerce sans savoir, avant de réaliser qu’un autre choix eut été possible. Il n’y a donc pas de projet. Ce qui n’exclut pas qu’il y ait, dans la perspective qui s’ouvre, de l’espoir.

L’espoir est comme ces chemins sur la terre : à l’origine il y avait pas de chemins; mais là où les gens passent sans cesse, un chemin naît. [Lu Xun, cité par Simon LEYS, Écrits sur la Chine, p. 720]

Le chemin, que l’on va tracer en le parcourant, se substitue au projet, il devient lui-même un projet. Guillevic a écrit : Il n’y a pas de chemin / Pour mener au chemin / Que l’on n’aurait qu’à suivre. Et Machado, dans ce célèbre poème : Caminante, no hay camino, se hace camino al andar.

Le chemin devient donc ce projet, le projet se construit peu à peu et se confond avec le chemin parcouru. Pourtant, un vrai projet prend forme, parfois en peu de temps, parfois après de longues années de pratique. Je sais que mon projet de direction de chœur, ma vision, tels qu’ils peuvent exister aujourd’hui et que je sois en mesure de les transmettre, ont mis plus de 10 ans avant de prendre une forme pérenne, complète.

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