Le travail de l’acteur

Le travail du chanteur a tout à apprendre de celui de l’acteur: de la posture, de la verticalité, de la projection de soi comme de celle de la voix, du souffle, du son, des émotions mimées ou vécues, du partage du sens, de l’expression, tout, dans le travail de l’acteur nous intéresse. Comme le disait Jean-Michel Rabeux, lorsqu’il fut interrogé sur les risques courus par les acteurs (l’extrême des émotions, la mise à nu, …):

Ils assument ce que nous fuyons.

[in Le Chantier, F.Culture, samedi 21/01/2006.]

Une pratique collective

Au-delà du développement de la singularité, c’est la communauté qui est en jeu dans la pratique collective. De tous temps, j’ai gardé une préférence, un attachement pour la pratique artistique collective. L’exercice de la polyphonie, pour moi, est largement supérieur à la pratique individuelle. Ce qui est absolument passionnant, c’est l’interaction, l’aller-retour, la dynamique d’échanges constants entre le singulier et le commun, entre soi et les autres, entre les singularités respectives. Le lien au commun s’augmente de la profondeur et de la solidité des singularités, s’ancre dans le centre, dans le poids spécifique de cette communauté de sens qui est tout sauf grégaire. Ce qui est au coeur de cette expérience unique, c’est autant le partage des compétences que le partage émotionnel.

La pratique commune a du sens. La communauté se constitue dans l’action, souligne Antonio Negri. Et Jean-Luc Nancy rappelle que le geste de culture est lui-même un geste de mêlée : c’est affronter, confronter, transformer, détourner, développer, recomposer, combiner, bricoler. Cet espace du commun – du partage de singularités affirmées – ne risque pas de se dissoudre dans un tout indifférencié, il n’est pas en opposition avec l’espace individuel, espace d’autonomie, de conscience et de liberté, mais au contraire le lieu du risque, de la rencontre poussée dans ses plus larges avenues, en usant de toutes les potentialités de l’individu authentiquement libre et personnel.

Nous nous rencontrons, nous échangeons autour de la création de quelques-uns, nous mettons en mouvement nos sensibilités, nos imaginations, nos intelligences, nos disponibilités. La culture n’est rien d’autre que le nous extensible à l’infini des humains.

(Monique Chemillier-Gendreau, in La culture lien entre tous donc bien public universel, LNA37).

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Un engagement politique

Depuis longtemps, j’ai acquis la conviction et j’ai vu se confirmer que la pratique artistique, singulièrement la pratique musicale collective, est une forme d’engagement politique, bien au-delà d’une simple acquisition technique dans le développement d’une virtuosité personnelle.

Engagement politique ? vraiment ? J’ai pu penser qu’il s’agissait d’abord d’un engagement éthique, mais je persiste aujourd’hui à le voir comme un véritable engagement politique, au sens du vivre ensemble. A.Negri disait que c’est l’action qui constitue le commun. La musique d’ensemble, en commun, a donc un rôle à jouer, un rôle politique et social. Elle est le témoignage actif de notre capacité à « sortir du cadre », à vivre une expérience qui ne peut être que collective, à toucher une dimension unique de notre humanité. Elle est la manifestation de notre façon de vivre ensemble, de créer du lien, d’établir et de conforter le sens – comme direction et signification.

Je revendique un parti pris. Continuer la lecture de « Un engagement politique »

Diriger ?

Juliette BINOCHE, interrogée par Jérôme Clément [À voix nue I, le 4 janvier 2010 – la première d’une série de 5 émissions captivantes, comme tout ce que présente Binoche].

A un moment, il est question de la direction d’acteur.
Diriger, être dirigé … ?

Diriger : drôle de mot, dit-elle, quel que soit le champ artistique. Pour elle, il s’agit plutôt d’un partage de vision, de sensibilité et d’écoute. Je retiens la proposition qu’elle fait, absolument convaincante: On ne peut diriger personne ; on peut inventer une relation qui permette des perceptions communes.