Responsable

L’autre est visage, tout entier visage. Et devant un visage, je n’ai aucun pouvoir. Je peux seulement, puisque ce visage est aussi parole, tenter de répondre, devenir responsable. Cela vaut pour les rapports d’amour, d’amitié, de collaboration, cela vaut dans la famille comme dans la société.

Olivier Clément

(merci, Cécile, pour cette citation)

Au milieu des livres

Je sais bien qu’il y a dans le vaste monde des choses plus belles que les livres, plus heureuses et plus dignes d’un homme ; et je ne serais pas un homme si je ne désirais pas sortir de cette prison de l’encrier, et de jouir un peu de la vie, moi aussi ; au moins de la fraîcheur de l’air et du souffle de la douce liberté, si tout le reste m’est refusé. Sinon qu’il est inutile de parler de ces choses-là. Vous les aimez tout comme je les aime ; d’un amour sans effet ni qualité propres, qui passe à travers toutes les heures de notre journée et n’en remplit aucune, monotone et assidu, insignifiant comme l’écoulement même du jour. En attendant, chacun doit penser à la part qui lui est échue par le sort ; et puis, au fond, que toutes se valent ; et, du reste, qu’on ne peut faire mieux. Quant à nous, si le destin nous a donnés aux livres, contentons-nous d’eux. Même dans la petite chambre, au milieu des livres, il y a place pour vivre, c’est-à-dire pour aimer et souffrir.

Renato SERRA, Scritti, 1958

Nos ruches vidées

Aujourd’hui, nous sommes en réalité pauvres par surabondance d’images et d’impressions. Nous avons éparpillé notre amour et l’avons ainsi mis à l’écart. Nous avons fait exactement le contraire de ce que font les abeilles. Nous avons dispersé le pollen sur des millions d’objets et, malgré la petite voix qui nous dit le contraire, nous espérons sans cesse qu’un jour nous aurons assez de temps pour remplir nos ruches vidées.

Boris PAHOR, Pèlerin parmi les ombres, p. 17

La bêtise

©PHOTOPQR/L’ALSACE/Thierry Gachon

 

 

 

 

 

Ecoutez ici Nancy Huston:

Le 30 mai 2005, Nancy Huston publiait ce texte, dans lequel elle demandait la libération de Florence Aubenas. Très beau texte, sur une thématique qui m’intéresse depuis longtemps. Je ne trouve rien de plus effrayant que la bêtise, quand on peut résister à tout, à la cruauté, à l’ignorance, à l’intolérance. Mais pas à la bêtise, à ce que Flaubert nommait « le front de boeuf de la bêtise. »

Il y a, par aillleurs, des textes magnifiques sur la bêtise, des pensées riches. Prenons simplement ceux-ci: Stiegler, Deleuze, et puis Bobin, pour le dernier mot.

Seule une lutte contre la bêtise imposée par le contrôle du temps de cerveau disponible, càd par le populisme industriel, constitue une véritable possibilité de « réenchanter le monde »: de le rendre désirable, et par là de rendre à la raison son sens premier de motif de vivre (…): la raison comme sens de l’existence (et en cela comme sens de l’orientation).

Bernard STIEGLER, Réenchanter le monde, notamment p. 17, dans le manifeste d’Ars Industrialis. Continuer la lecture de « La bêtise »