Le bon usage du monde

« Je veux m’en aller, loin », déclare Jacob à son vieux père. Et celui-ci, surpris: « Loin d’où ? » Il y a beaucoup d’arrière-pensée profonde dans la réponse interrogative du vieil homme: on n’est jamais loin de Dieu, si Dieu existe, on n’est jamais si loin qu’on voudrait du malheur, ou du chagrin qui sûrement existe, on n’est jamais loin de soi-même…

Cette phrase, je la note dans un ouvrage de Claude ROY, Le Bon Usage du Monde, publié en 1964 par les éditions Rencontre (Lausanne), dans la belle collection L’Atlas des voyages – qui demeure, près de 50 ans plus tard, une référence notamment par la qualité de l’iconographie réunie dans chacun des volumes.1 Je suis intrigué par la coïncidence: après plusieurs tentatives auprès d’éditeurs parisiens, c’est en 1963 que Nicolas BOUVIER a publié chez Droz (Genève) son magnifique récit, intitulé … L’Usage du monde. La similitude des titres est frappante. Est-elle due à ce hasard qui inscrit une forme dans un moment donné ? L’écho se complète pour moi, à partir de la citation de Roy [… on n’est jamais loin de soi-même…], dans celle de Bouvier (que je cite ici dans Vous détruire).