Nos promesses

En ce qui concerne le passé, nous ne pouvons nous fier qu’au souvenir, a dit l’éditeur.

Oui, ai-je dit. C’est un peu embêtant.

Embêtant ? a-t-il dit.

Il semble que nous ayons besoin de l’histoire, ai-je dit. De l’histoire et des récits. C’est pour cela que nous avons inventé la mémoire.

Non, a-t-il poursuivi, c’est pour cela que nous devons croire en la mémoire. Grâce à elle, nous pouvons rester fidèles au passé. Sans la mémoire, nous serions perpétuellement en train de trahir toutes nos promesses et de manquer à nos devoirs, nous renierions tout ce qu’un instant plus tôt nous tenions pour sacré, nous n’aurions aucune raison de prendre notre prochain dans nos bras. Nous ne saurions pas que la fleur s’appelle géranium. La mémoire est le ciment de nos fors intérieurs, sans mémoire nous éclaterions comme des capsules de graines desséchées.

Et qu’est-ce qui pourra donc germer en nous ? ai-je voulu savoir.

Rien, a dit l’éditeur.

Torgny Lindgren, Souvenirs, pp. 14-15