Je découvre ce poème en ouvrant au hasard, le 9 février vers minuit, l’Anthologie bilingue de la poésie allemande (La Pléïade) que je serre précieusement dans ma bibliothèque depuis un an déjà. Il fait nuit noire sur le jardin, la tempête s’est calmée même si la pluie n’a pas cessé de la journée, et je suis frappé par l’éclairage puissant que les quelques mots de Ingeborg Bachmann projettent sur cette journée d’hiver.
Die gestundete Zeit | Le temps ajourné |
Ingeborg BACHMANN |
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Es kommen härtere Tage | Des jours plus durs vont venir. |
Die auf Widerruf gestundete Zeit | Le temps en ajournement révocable |
wird sichtbar am Horizont. | est visible à l’horizon. |
Bald musst du den Schuh schnüren | Bientôt tu devras lacer ta chaussure |
und die Hunde zurückjagen in die Marschenhöfe. | et repousser les chiens dans les fermes de la Marche. |
Denn die Eingeweide der Fische | Car les entrailles des poissons |
sind kalt geworden im Wind. | se sont refroidies dans le vent. |
Ärmlich brennt das Licht der Lupinen. | La lumière des lupins brûle chichement. |
Dein Blick spurt im Nebel: | Ton regard tient la trace dans le brouillard: |
die auf Widerruf gestundete Zeit | le temps en ajournement révocable |
wird sichtbar am Horizont. | est visible à l’horizon. |
Drüben versinkt dir die Geliebte im Sand, | Ta bien-aimée sur l’autre bord s’enfonce dans le sable, |
er steigt um ihr wehendes Haar, | il monte autour de ses cheveux mouvants, |
er fällt ihr ins Wort, | il lui coupe la parole |
er befiehlt ihr zu schweigen, | il lui ordonne de se taire, |
er findet sie sterblich | il la trouve mortelle |
und willig dem Abschied | et non réticente à l’adieu |
nach jeder Umarmung. | après chaque embrassement. |
Sieh dich nicht um. | Ne regarde pas autour de toi. |
Schnür deinen Schuh. | Lace ta chaussure. |
Jag die Hunde zurück. | Chasse les chiens. |
Wirf die Fische ins Meer. | Jette les poissons à la mer. |
Lösch die Lupinen ! | Éteins les lupins ! |
Es kommen härtere Tage. | Des jours plus durs vont venir. |