La courbe chromatique

Au-delà du langage s’impose le silence, mais en tant qu’absolu du langage, selon une courbe chromatique qui va du silence au sonore en se décomposant ainsi, elle aussi « dans un monde sonore »: le silence, l’inaudible, le murmuré, l’audible, le sonore enfin, lui-même décomposé en grave, moyen, aigu. Le silence est par conséquent le bruit de la pensée et son signe le plus sûr, la pensée est une totalité « qui surpasse la totalité énumératrice, additive que fournit la parole ». Mais la parole ainsi conçue, dans ce silence, le longe et le fait fructifier, comme quelque effet de l’Un qui retomberait en pluie: mots, traces, briques, gouttes de lait, beurre fondu du sens. Ainsi agencée, la parole joue et dit l’agencement, propose sa paix et son silence, l’impose comme un exemplum face au désagencé, au démoniaque.

Jean-Christophe BAILLY, Phèdre en Inde

Voilà qui est à creuser: comment mettre en oeuvre cette courbe chromatique dans le travail du lecteur, de l’acteur, du chanteur ? Dans la musique polyphonique. Et surtout arriver à faire consister et à faire comprendre ce silence comme « bruit de la pensée » ou « beurre fondu du sens ». Tout un programme.