Etre quelqu’un d’autre

Ce n’est pas par hasard que la formulation « être acteur » est ambigüe, polysémique. Pour être un acteur, il faut d’abord être acteur de sa propre vie, de son propre rôle, donc y être actif. C’est le travail personnel, l’engagement, la posture, …. La pratique artistique est celle d’un acteur/actif. Tout à la fois, il est manifeste que la posture du chanteur/interprète est bien à l’identique de celle de l’acteur/comédien. Comme l’écrit Richard Powers, il s’agit d’être soi-même et quelqu’un d’autre ; quelqu’un d’autre en plus de soi-même. Donc, être capable d’excéder sa singularité, en « comprenant » l’autre, au sens fort du mot compréhension, dans l’attention extrême, l’intégration du son et du sens.

Tu dois devenir le porte-parole, l’instrument d’un autre. Un autre avec ses peurs, ses besoins, différents des tiens. Si tu te renfermes sur toi-même alors l’art peut aller se faire foutre. Si tu n’es pas capable d’être quelqu’un d’autre en plus de toi-même, ce n’est même pas la peine d’envisager de monter sur scène.

Richard POWERS, Le temps où nous chantions, p. 424