Etre quelqu’un d’autre

Ce n’est pas par hasard que la formulation « être acteur » est ambigüe, polysémique. Pour être un acteur, il faut d’abord être acteur de sa propre vie, de son propre rôle, donc y être actif. C’est le travail personnel, l’engagement, la posture, …. La pratique artistique est celle d’un acteur/actif. Tout à la fois, il est manifeste que la posture du chanteur/interprète est bien à l’identique de celle de l’acteur/comédien. Comme l’écrit Richard Powers, il s’agit d’être soi-même et quelqu’un d’autre ; quelqu’un d’autre en plus de soi-même. Donc, être capable d’excéder sa singularité, en « comprenant » l’autre, au sens fort du mot compréhension, dans l’attention extrême, l’intégration du son et du sens.

Tu dois devenir le porte-parole, l’instrument d’un autre. Un autre avec ses peurs, ses besoins, différents des tiens. Si tu te renfermes sur toi-même alors l’art peut aller se faire foutre. Si tu n’es pas capable d’être quelqu’un d’autre en plus de toi-même, ce n’est même pas la peine d’envisager de monter sur scène.

Richard POWERS, Le temps où nous chantions, p. 424

La vigilance du corps

L’œuvre d’art n’est pas académique, elle n’obéit à aucun dessein préconçu et n’exprime que la vénération extrême de la réceptivité ou, plus trivialement, de la vigilance extrême du corps vivant qui voit, écoute, devine, bouge, respire, chante. Les émotions de la vie ne sont au fond que des pas, confiait la grande danseuse Sylvie Guillem, je considère mon corps comme un instrument de découverte… Il faut parvenir, à chaque fois, à s’étonner, à se découvrir.

Paul VIRILIO, Ce qui arrive, p. 71