Le manuel de langue

Un manuel de langue est fait pour être lu plusieurs fois à haute voix. On apprend par cœur des listes de vocabulaire où se rencontrent poétiquement des mots qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. Et l’on apprend la grammaire en lisant des textes sur le pays. Mais le savoir n’atterrit pas pour autant dans le tiroir prévu pour lui, il reste en travers de la gorge, il dérange le corps du citoyen. Quand on fait des exercices de langue, on forme des phrases radicales, exprimant alors des choses qu’on n’aurait jamais dites sans cela. Parfois aussi, on s’endort et on rêve, car cela fait aussi partie de l’apprentissage d’une langue. (…)

Yoko TAWADA, Trois leçons de poétique, p. 34