En tant que citoyen je vais vous dire ce dont j’ai vraiment peur, c’est que nous ne puissions pas inventer les mots de la riposte. C’est-à-dire que nous nous laissions à ce point déborder par ce mauvais gouvernement par l’appauvrissement de la langue politique.
Dès lors qu’on prend les mots, d’une certaine manière – que ce soient les mots anciens ou nouveaux, peu importe – mais dès lors qu’on se met, faute de mieux, de guerre lasse, à employer les mots de l’adversaire, ne serait-ce que pour dire : Bon ben, l’assistanat … – en fait c’est plus compliqué que ça, ça n’existe pas ; à partir du moment où on a utilisé par exemple ce mot empoisonné, assistanat, on a perdu. Vous dites : l’étranger, c’est exactement la même chose.
Et donc, c’est ce qu’il y a aussi de machiavélien dans cet état d’urgence d’aujourd’hui, ce qu’il y a de plus politique aujourd’hui est peut-être ce qu’il y a de plus poétique, c’est-à-dire notre capacité ou non d’inventer les mots exacts du constat.
Patrick Boucheron, sur France Culture, La grande table, Caroline Broué, 2e partie, 1/7/2016 [25’38’’]