La transparence

(…) j’ai compris que certaines visites que la vie nous rend sont si mystérieuses qu’elles doivent prendre la forme d’un poème, que la prose la plus éclatante ne rendrait justice ni à leur transparence ni à leur opacité qui sont forcément voisines puisque nous ne comprenons pas la transparence mais pouvons seulement la flairer comme un limier flaire un gibier dont il sait qu’il n’est pas pour lui.

Nicolas BOUVIER – Préface à V.HOLAN, Douleur.

La collection d’images

Je découvre chez Dhôtel cette étonnante pratique poétique, telle qu’elle est suggérée par ce que réalise Damien, au début de Je ne suis pas d’ici.

Il collectionne les objets, puis par manque de moyens, il commence à collectionner les images (vues, vécues, …) qu’il recense par écrit. C’est l’occasion d’une écriture véritablement poétique. Il s’aperçoit que ces images, ces rencontres sont extraordinaires, qu’elles sortent de l’ensemble raisonnable d’une vie totalement cernée par l’explication rationnelle.

Nezâmi

Goethe évoque le poète persan dans ces vers magnifiques:

O Nisami ! – doch am Ende
Hast den rechten Weg gefunden;
Unauflösiches, wer löst es ?
Liebende sich wieder findend.

Ô Nezami – en fin de piste
As-tu trouvé la bonne voie;
L’irrésolu, qui le résout ?
Les amants qui se trouvent.

Goethe, West-östlicher Divan

J’aime beaucoup cet « irrésolu », c’est très beau. Nezâmî de Gandjeh est un merveilleux conteur, un des plus grands poètes persans.

Ce chantre en langue persane d’une vallée de l’Azerbaïdjan fut le plus grand poète narratif de l’Islam de son temps (…) Les récits de Nezâmî sont la quintessence des Mille et Une Nuits: ils constituent le cycle narratif historiquement reconnu, en Islam d’Orient du XIIe au XVIIe siècle, comme le véritable chef-d’oeuvre de ce genre particulier – pour le style, pour l’intention, pour le sens surtout.

(extrait de la Préface de M.Barry à sa monumentale traduction du Pavillon des Sept Princesses, Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, 2000).

Il faut s’armer de longue patience et de persévérance pour entrer dans ces récits – 470 pages, mais l’étude qui les complète, sur le poète, sur l’épopée et ses gloses, est passionnante.

Qu’est-ce que la poésie ?

Anne VL 293Peut-être sommes-nous ici pour dire: maison, fontaine, pont, cruche, porte, verger, fenêtre, – tout au plus: colonne, clocher … mais les dire, comprends-le, oh! les dire de telle sorte, que jamais au fond d’elles-mêmes ces choses ne pussent douter d’être cela.

R.M. RILKE, Neuvième élégie