La cloche fêlée

Je crois n’avoir jamais connu que des poètes fêlés. Qu’ils soient bons ou mauvais est une autre affaire, mais ce lien entre écriture et fêlure, oui. Et une fêlure d’être, profonde, pas l’égratignure sociale ou l’écorchure de vanité. Pas non plus des êtres cassés, sinon l’écriture cesserait. Des bancals, des boiteux d’être. Et chez les vrais lecteurs, de même, car il faut pouvoir l’entendre,  ce son de cloche fêlée ou d’enfant qui pleure presque en silence.

Antoine EMAZ, Cambouis, p. 171

Et Emaz sait sans doute de quoi il parle, lui-même poète. Son journal recense le travail quotidien sur son établi, dans son atelier d’écrivain.

Trois sortes d’acteurs

Il y a plusieurs sortes d’acteurs.
D’abord ceux qui ne savent que mimer les sentiments de leur personnage.

Ensuite il y a ceux qui ont en eux une violence telle qu’ils peuvent la livrer sur scène. Ceux-là ont généralement l’air de lions en cage. Ils expriment une rage effrayante qui vous entraîne mais à laquelle il est difficile d’adhérer comme spectateur. … Ou comme partenaire.

Enfin, il y a ceux – plus rares et plus fragiles, qui trouvent en eux-mêmes les blessures et les failles qui vont les mettre à jour plus sûrement. Ceux-là vous bouleversent parce qu’ils vous offrent leur propre bouleversement. Ils vous touchent. De ceux-là, vous pouvez tomber amoureux. Brusquement, par surprise, quand votre corps s’aperçoit qu’il est littéralement transporté. Ceux-là, oui, quand vous les voyez, quand vous les entendez sur une scène, vous êtes transporté.

L’étrangère, film de Florence Colombani, à 29’15 »  (ce film est disponible sur Universciné)