Le calligraphe

Le calligraphe relie le souffle qui l’anime à celui qui anime la substance des signes qu’il trace ; il entre en osmose avec l’essence des choses. En exprimant la vérité des choses, il exprime la sienne. Le pinceau, véritable «sismographe», enregistre le moindre frémissement de sa main, qui traduit ce qui vient de la profondeur de son être, sa véhémence, sa tendresse, sa sensibilité aussi bien charnelle que spirituelle, ses besoins de rectitude comme d’élan, de rigueur comme de grâce. Au plus haut de sa réalisation, il lui sera donné d’intégrer la grande rythmique universelle. La pulsion de l’homme rejoint là la pulsation du monde.

François CHENG et Alain REY, Dialogues, p.16

L’arrêt

Il faut évidemment accepter une condition préalable qui, elle aussi, est un défi à notre époque: celle de l’arrêt. Il faut suspendre un instant le tourbillon de l’action, le mouvement de notre hâte inquiète, assourdissante, s’immobiliser et laisser s’ouvrir cette étranger promesse comme on voit s’ouvrir une graine …

Philippe JACCOTTET, Tout n’est pas dit.

L’écriture arabe

En arabe, nous apprend Jacques Berque, les noms des deux becs de la plume signifient l’humain et le bestial.

Il continue :

Il faudrait savoir lequel des deux est le flanc animal. Je crois que c’est le gauche… Il faudrait savoir si ça correspond au côté par lequel on monte sur le cheval. Pour les Arabes c’est le côté droit. Nous, nous montons à gauche de la bête. Le côté « bestial » pour la vieille poésie arabe, je gage que c’est celui par lequel on ne monte pas, donc, pour les Arabes, le gauche est justement celui par lequel, nous, nous sautons en selle. Il y a donc le côté humain, par lequel le cheval se tourne vers le cavalier qui l’enfourche en sautant de ce côté-là, et le gauche qui reste indompté. Or observez que c’est également de droite à gauche que va l’écriture arabe, comme par hasard…

Jacques BERQUE, Les Arabes, l’Islam et nous, p.41