Au fond…

Le regard est la dernière goutte au fond de l’homme.

Walter BENJAMIN, Sens unique, p. 161


Ça n’est pas une mince affaire de voir ce qui n’est pas encore décidé à être vu.

Israël ÉLIRAZ, Petit carnet du Levant

Die Verschwundenen

En écho au récit de Mendelsohn, ces "disparus" de Erich Fried. La musique est de Bernard Cavanna: c'est une voix, puis un trio - violon, accordéon, violoncelle. C'est de toute beauté, et d'intensité.

Noch Worte suchen                           chercher encore des mots
Die etwas sagen                                qui disent quelque chose
Wo man die Menschen sucht            là où l'on cherche les gens
Die nichts mehr sagen                      qui ne disent plus rien

Und wirklich noch Worte finden        mais trouver encore des mots
Die etwas sagen können                  qui savent dire quelque chose
Wo man Menschen findet                 là où l'on trouve les gens
Die nichts mehr sagen können         qui ne peuvent plus rien dire

Erich FRIED  (trad. Noëmi Schindler)

Regardez et écoutez la très belle vidéo de Delphine de Blic.

Et pour en savoir plus sur cette talentueuse vidéaste/photographe,..., voyez son site.

Les pensées du tremblement

Nous vivons dans un bouleversement perpétuel où les civilisations s’entrecroisent, ou des pans entiers de culture basculent et s’entremêlent, ou ceux qui s’effraient du métissage deviennent des extrémistes. C’est ce que j’appelle le chaos-monde. On ne peut pas agir sur le moment d’avant pour atteindre le moment d’après. Les certitudes du rationalisme n’opèrent plus, la pensée dialectique a échoué, le pragmatisme ne suffit plus, les vieilles pensées de systèmes ne peuvent comprendre ce monde. Je crois que seules des pensées incertaines de leur puissance, des pensées du tremblement où jouent la peur, l’irrésolu, la crainte, le doute, saisissent mieux les bouleversements en cours. Des pensées métisses, des pensées créoles.

Édouard GLISSANT, Le Monde2, 31-12-2004

L’art du tir à l’arc

Par analogie avec le zen japonais,  je note que le travail du chant s’appuie sur les mêmes fondements:  la pratique silencieuse, le soin, l’attention, le calme intérieur, le contrôle du souffle, la posture du corps et celle de l’esprit. Ce qui fonde aussi l’art chevaleresque du tir à l’arc.

Ne pas choisir, mais agir en réponse à la situation exacte, et la situation exacte ne peut être connue que dans un abandon de soi-même. Un bon samu demande d’avoir éliminé le plus gros de tous les germes perturbateurs qui ne cessent de vouloir se manifester dans l’esprit. C’est à dire maintenir l’esprit dans une vacuité foncière, connue par la pratique et la purification du karma, les actes justes et sans restes. Ce n’est pas une discipline compliquée : il s’agit de s’appuyer simplement sur votre véritable état naturel. Cent choses, pourtant, peuvent vous en tenir éloigné à une distance incommensurable. Le désir de trop bien faire, par exemple, vous tiendra aussi éloigné du geste naturel que la négligence. Encore l’ego. Naturellement, ce que l’on ne sait pas faire, on peut rarement le réussir du premier coup. Il faut un long apprentissage, répéter cent fois tous les gestes de la tradition sur le métier.

Antoine MARCEL, Traité de la cabane solitaire, p. 32-33

On consultera avec profit E.HERRIGEL, Le Zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc.