Aussi loin que je me souvienne, j’ai été cet « enfant lisant », que je retrouve chez Benjamin – comme une reconnaissance, comme un souvenir perdu, …
On reçoit un livre de la bibliothèque scolaire. Distribution d’office dans les petites classes. De temps en temps seulement on ose exprimer un voeu. On voit souvent avec envie des livres désirés aller dans d’autres mains. Finalement on recevait le sien. On était totalement livré pendant une semaine à la vie du texte qui vous enveloppait de façon douce et secrète, dense et incessante, comme des flocons de neige. On y entrait avec une confiance infinie. Silence du livre, silence qui séduisait sans fin. Le contenu du livre n’était pas bien important. Car ces lectures appartiennent à une époque où l’on inventait encore soi-même des histoires au lit.
Walter BENJAMIN, Sens unique, p. 145
et Albert JACQUARD écrit aussi (Mon utopie, p. 13): La lecture est contemporaine de l’origine de celui qui, en moi, se sait être.