La grammaire

– A l’étude, il apprendra à connaître des morceaux essentiels du monde, les volcans, les plaines, les mers, les fleuves. Et puis la grammaire, surtout la grammaire.

– La grammaire ? murmura Mlle Dargnies.

– La grammaire, reprit Thomas, c’est aussi profond que le ciel, mais mille fois plus compliqué.

Songez-y bien : nous savons que les astres suivent toujours le même chemin dans le temps et dans l’espace. On ne peut pas avoir cette assurance pour nos plus humbles phrases.

André DHÔTEL, La maison du bout du monde, p.64

Esquisse d’une esquisse du monde

Un homme devait réaliser l’œuvre de sa vie, une œuvre qui se dressât là comme une maison. Il commença par élever un échafaudage. Pour réaliser l’échafaudage, il lui fallut de nouveaux préparatifs et d’autres échafaudages. Nombre de ces préparatifs et de ces autres échafaudages exigèrent à leur tour de longues rétrogressions, des constructions de toutes sortes, des efforts astreignants. Des efforts qui dévoraient des journées, tandis que le temps passait. Le temps passait ; déjà l’on voyait la mort de plus en plus proche, et l’œuvre encore lointaine. Oui, maintenant, l’homme était plus loin de l’échafaudage de l’œuvre qu’il ne l’avait été d’abord de l’œuvre même… Alors qu’il avait passé sa vie en efforts incessants. La mort approchait, le temps pressait. C’est alors que l’homme trouva, sans s’en douter, ou s’en doutant à peine, un mot ; peut-être même le mot s’énonça-t-il tout seul ; et à partir des chemins que l’homme avait suivis, d’elle-même, l’œuvre se fit. Était-ce une maison ? Certains, plus tard, l’appelèrent une maison. Il n’y eut jamais d’autres maisons.

Ludwig HOHL, Chemin de nuit, p.79-80

Une perfection absolue ?

L’interprétation de l’œuvre musicale n’épuise jamais son objet.

Il est remarquable de noter que les plus grands interprètes eux-mêmes reprennent plusieurs fois le même ouvrage, pour en offrir une approche plus aboutie, plus riche, …  Et pourtant, à chaque étape, nous estimons qu’ils touchent à la « perfection absolue ». Comme l’expliquait un jour, dans une émission du matin (Première Édition, F.Culture), Yves Angelo, le réalisateur de « Sur le bout des doigts », cette perfection absolue de l’interprétation musicale fait partie de notre quotidien, elle n’est pas un idéal inaccessible.

Nous, les praticiens, nous sommes dans la perfection absolue quand la musique est en adéquation parfaite avec nos émotions, dans le moment de l’exécution. Vous voyez bien, je pense, de quoi je veux parler. Et cette perfection absolue est reconductible, par un chemin long et parfois difficile, dans une recherche permanente. L’idéal est, en outre, l’adéquation avec la création, non seulement à travers ce que le créateur a lui-même apporté, mais dans l’ouverture et l’enrichissement magistral de l’expérience accumulée de nos vies respectives. Là, il n’y a pas de limites. La marche n’atteint jamais le but mais reste toujours une longue marche d’approche.

Le nombre sacré des Indiens

Le nombre cosmologique sacré des Indiens d’Amérique du Nord est le 4, mais il se complète d’une cinquième direction:

(…) il y a 4 mondes, 4 directions, 4 saisons, quatre couleurs fondamentales, etc. Mais cette succession n’est ni une progression, ni un chemin, c’est un cercle. Elle tourne et regarde sans cesse vers son centre. Il y a quatre directions parce qu’il n’en est qu’une : le début est partout.

Florence Delay/Jacques Roubaud, Partition rouge

Pour les Guarani – un peuple indien de la région amazonienne, la terre est soutenue par 5 palmiers bleus 1: l’un occupe le centre, les quatre autres sont aux quatre points cardinaux.

Karai = Est, Tupan = Ouest; les vents bons = Nord; le temps originaire = Sud.

l’un occupe le centre, les quatre autres aux quatre points cardinaux. Karai = est; Tupan = ouest; vents bons = nord; temps originaire = sud.