πρóληψις / prolepse

(…) En ce point précis, s’attache l’horizon et se crée, dans le cerveau, un lien qui, sans cela, ne se serait jamais noué. Il n’est pas seulement question de nourrir la pensée, mais d’établir des liens nouveaux à partir de l’existant. Un artiste est peut-être quelqu’un qui en raison de sa sensibilité, pressent que s’il va dans telle direction, se planter des heures devant tel tableau, écouter en boucle telle oeuvre musicale, voir telle sculpture, lire tel livre, voir tel océan, tel volcan, tel pays, telle personne, à tel moment et pas à un autre, un lien s’opérera dont il devine qu’il lui est nécessaire – vital, devrais-je dire, et qui sans cela, ne se serait jamais noué.

Nadine Ribault, Carnets des Cornouailles, p. 48

Encore une fois, les liens, les échos, mais ici – avec quelque chose de plus: cette notion de l’anticipation, de la prescience, de l’intuition. Non seulement, la faculté de voir et d’entendre ces fameux coups de sifflet du réel, mais de les imaginer, de n’imaginer qu’eux, de ne pas pouvoir envisager autre chose que ce principe, et s’y soumettre complètement.
N. Ribault ajoute:  C’est un savoir d’une force extrême.

Prolepse [subst.féminin]: (…) les principes que l’âme contient originairement, et que les objets externes réveillent seulement dans les occasions / des assomptions fondamentales, ou ce qu’on prend pour « accordé d’avance ».
Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie.

La connaissance comme trajet

En décembre 2002, Paul VIRILIO est l’invité d’une émission de France Culture. Il y parle de la vitesse et du mouvement. Je note au vol certains de ses propos.

La connaissance est liée non seulement à un objet, mais aussi à un trajet. Tout est aujourd’hui en mouvement. Dis-moi ton trajet, je te dirai qui tu es. La victoire est dans le mouvement, dans la vitesse. Nous vivons dans un monde de l’instant, de la relation instantanée1Ce qui prédomine donc : la figure du danseur.

Les lieux de la connaissance

La connaissance – et en particulier la connaissance poétique, qui est peut-être la seule fondamentale – n’est pas universelle. Elle est liée à des lieux. Il y a un lieu de connaissance et un autre lieu de connaissance et un troisième lieu de connaissance (ce n’est pas chaque fois la même chose), et la relation entre ces lieux constitue la grandeur de la connaissance. Ce n’est pas l’universalité de la connaissance qui en constitue la grandeur.

Édouard GLISSANT, sur France Culture, Tout arrive, 2e partie, 21/04/2009.
A l’occasion de la sortie de son livre Philosophie de la relation.