Les arbres qui dansent

Il existe des arbres qui marchent ou des plantes qui n’ont qu’une feuille. J’évoque aussi une plante qui danse : la Codariocalyx motorius. Je l’ai observée dans un jardin botanique chinois, près de la frontière avec le Laos. Dès qu’il y a des sons, les folioles latérales de chaque feuille bougent. J’ai rapporté des graines au jardin botanique de Saint-Jean-Cap-Ferrat. Au départ, l’équipe scientifique du jardin était plutôt sceptique sur cette capacité de la plante à danser et pensait que ses mouvements étaient dus aux courants d’air engendrés par le souffle de la voix ou le battement des mains. Mais ils ont pu constater que la plante dansait au son d’un poste de radio. C’est encore un mystère, on ne sait pas pourquoi cette plante bouge. Son mouvement implique la présence de capteurs sonores, ce qui est très surprenant pour une plante. Depuis, j’ai pu constater que cette plante avait besoin d’entraînement, il faut la faire danser très tôt et entretenir cette faculté régulièrement en lui donnant des sons ou même de la musique.

Francis Hallé. Dans un entretien paru le 29 décembre 2016 (Libération), à l’occasion de la publication de son Atlas de botanique poétique (Arthaud).

A s’y perdre…

C’est quand même un laboratoire incroyable, le corps. Mais, ça je pourrais être un peintre et vous le dire ; le corps est un laboratoire de recherche, de compréhension de l’homme, bien sûr, de l’humanité, du désir, de la pensée. C’est vraiment à s’y perdre, et c’est ça qui est très beau.

Olivier DUBOIS. Noté au vol sur Arte le 2 mars 2015, .

Improvisation

En travaillant avec Martha Rodezno.

Elle nous rappelle « la main » de l’improvisation, à entendre comme les 5 doigts [5 éléments, à nouveau ?] de cette main:

  • le mouvement
  • la respiration
  • le son
  • l’imagination
  • la communication

Tout marche ensemble, et rien n’a lieu véritablement s’il manque un des cinq. C’est l’improvisation du danseur, du chanteur, du musicien, …

Elle utilise cette image intéressante: il ne suffit pas de mettre les ingrédients dans la marmite, il faut aussi du feu sous la marmite, pour que « ça prenne ». En d’autres termes, il est indispensable de générer une action, de donner de l’énergie pour que quelque chose se passe. Le lâcher-prise, oui, mais pas au détriment de l’engagement énergétique, de l’investissement dans l’action. Et cet engagement est corporel, physique. Si l’improvisation a besoin d’une forme de lâcher-prise (ou comment oser …), il ne fonctionne pas dans la pure écoute passive, mais dans cette « réciprocité actuante » où chaque danseur, acteur, musicien improvisateur est actif, à un niveau d’énergie suffisant pour être présent à soi et présent à l’autre.

Et la qualité du rapport à soi, authentiquement – mais comment l’évaluer, comme la mesurer ? – c’est surtout l’engagement, le choix délibéré de ne pas priver l’autre de soi-même.

Chanter c’est danser

Je note, dans le livre de Daniel LEVITIN [De la note au cerveau. L’influence de la musique sur le comportement], que comme dans beaucoup de langues, le verbe sesotho pour chanter (ho bina) signifie également danser : on ne fait pas la distinction puisqu’on considère que le chant implique des mouvements corporels.

Il s’agirait maintenant de chercher d’autres exemples et, si possible, d’en tirer quelque leçon pleine de sagesse… J’ai l’intuition que beaucoup de langues pratiquent cette combinaison sémantique, qui semble bien naturelle. Il n’y a que pour nous que la réconciliation entre chanter et danser demande un effort mental, avant de la transformer en pratique.