Les livres, le réel

Je me mis à lire à en perdre la tête. Je commençai par disparaître du monde connu dans l’abîme passif de la lecture ; mais bientôt, je me découvris une passion pour les choses dont parlaient les livres, ou qui les entouraient, car elles me tiraient de ma stupeur. C’est de la plus proche bibliothèque que j’appris toutes les choses surprenantes, dont quelques-unes, mais assez peu, provenaient en fait des livres eux-mêmes.

Annie DILLARD, Une enfance américaine, p. 119

Les livres ne suffisent pas

La culture n’a jamais été aussi disponible. Elle n’en est pas moins en fâcheuse posture. Non tant à cause de sa marginalisation, que de son absence de lieu désigné. Les livres ne suffisent pas. Ce qu’il faudrait, en plus, ce sont des communautés de lecteurs. Un nous fondé sur leur lecture. Soyons honnêtes: la communauté ne suffit pas non plus. Ou pas toujours. (…) Comme le résume un autre personnage de Thomas Bernhard dans Oui: « Pour peu qu’on ait à proximité un seul être avec lequel on puisse, en fin de compte, parler de tout, on tient le coup, autrement, non. »

Olivier REY, Quelle vie, quel voyage, avec qui ?, in Conférence n°22, p.21-22