L’état du réel

Ce conglomérat d’objets et de circonstances que nous avons coutume d’appeler « le réel », et qui conditionne aussi bien nos pensées que nos comportements, ce réel donc, n’est ni stable ni immuable. Cette précarité détermine et conditionne le phénomène poétique dans son principe même.

Il n’est pas nécessaire de rêver, d’être ailleurs, ni même de s’abîmer dans les gouffres de la métaphysique, pour se trouver soudain au coeur du flux des sentiments, des sensations, des souvenirs et des désirs qui irrigue toute parole poétique. L’imperceptible transformation qui modifie, de seconde en seconde, l’état du réel y suffit largement.

Gil JOUANARD, L’eau qui dort, p. 9

L’artiste, le créateur, le spectateur

Pour être un artiste, il faut le talent, la chance, le travail. Mais c’est le spectateur qui fait l’art.

A l’occasion du Forum Culture Lille 2004 (La culture, une exigence collective, Lille le 16 décembre 2004), Jean-Pierre Vincent, comédien et metteur en scène, apportait cette précision: si le spectateur ne fait pas l’art, s’il n’est pas créatif, il est déçu. Il faut donc faire en sorte de laisser cette porte ouverte, pour que le spectateur soit un créateur.

J’ajoute que, dans la musique notamment, mais dans d’autres formes d’expression artistique, l’émotion est le vecteur majeur de cette possibilité.

J.P.Vincent ajoutait: il est important de ne pas faire de pédagogie. C’est l’art lui-même qui est pédagogue, et s’il apprend à comprendre, à se représenter le monde, c’est parce qu’il est un regard d’ailleurs, une folie, … Il faut qu’il reste cet ailleurs.

Nabil El Haggar, vice-président de l’USTL, poursuivait: la culture est une façon de comprendre le monde. Il y a beaucoup de gens qui veulent transformer le monde, mais peu qui font la démarche de le comprendre.

L’exercice de la culture est lié à l’exercice de la démocratie. La volonté de comprendre, de construire une représentation du monde, plurielle, venue d’ailleurs, en mouvement, est un préalable à tout exercice de transformation du monde (c’est mon commentaire).