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– A l’étude, il apprendra à connaître des morceaux essentiels du monde, les volcans, les plaines, les mers, les fleuves. Et puis la grammaire, surtout la grammaire.
– La grammaire ? murmura Mlle Dargnies.
– La grammaire, reprit Thomas, c’est aussi profond que le ciel, mais mille fois plus compliqué.
Songez-y bien : nous savons que les astres suivent toujours le même chemin dans le temps et dans l’espace. On ne peut pas avoir cette assurance pour nos plus humbles phrases.
André DHÔTEL, La maison du bout du monde, p.64
Souple et fragile
ainsi dureté et rigidité
sont compagnons de mort
souplesse et faiblesse
sont compagnons de vie (…)ce qui est souple et fragile
est supérieur à ce qui est grand et fort
Idée de l’étude
Ici l’étymologie du terme studium se fait transparente. Elle remonte à une racine st- ou sp-, qui désigne les heurts, les chocs. Étudier et s’étonner (studiare et stupire) sont donc parents dans ce sens-là: celui qui étudie est dans l’état de celui qui a reçu un choc et demeure stupéfait devant ce qui l’a frappé, incapable aussi bien d’en venir à bout que de s’en détacher. Celui qui étudie est donc toujours stupide.
Giorgio AGAMBEN, Idée de la prose, p. 45
Je note, en complément, selon Isidore de Séville (c.560-636):
Étudiez comme si vous deviez vivre toujours; vivez comme si vous deviez mourir demain.
Esquisse d’une esquisse du monde
Un homme devait réaliser l’œuvre de sa vie, une œuvre qui se dressât là comme une maison. Il commença par élever un échafaudage. Pour réaliser l’échafaudage, il lui fallut de nouveaux préparatifs et d’autres échafaudages. Nombre de ces préparatifs et de ces autres échafaudages exigèrent à leur tour de longues rétrogressions, des constructions de toutes sortes, des efforts astreignants. Des efforts qui dévoraient des journées, tandis que le temps passait. Le temps passait ; déjà l’on voyait la mort de plus en plus proche, et l’œuvre encore lointaine. Oui, maintenant, l’homme était plus loin de l’échafaudage de l’œuvre qu’il ne l’avait été d’abord de l’œuvre même… Alors qu’il avait passé sa vie en efforts incessants. La mort approchait, le temps pressait. C’est alors que l’homme trouva, sans s’en douter, ou s’en doutant à peine, un mot ; peut-être même le mot s’énonça-t-il tout seul ; et à partir des chemins que l’homme avait suivis, d’elle-même, l’œuvre se fit. Était-ce une maison ? Certains, plus tard, l’appelèrent une maison. Il n’y eut jamais d’autres maisons.
Ludwig HOHL, Chemin de nuit, p.79-80