Lire

(…) aux heures perdues; lorsque l’on vit retiré; en conversation tard dans la nuit; lorsqu’on étudie par un jour de soleil; dans la chambre nuptiale; en retenant des hôtes de choix; par temps superbe; lorsque les cieux s’assombrissent; lorsque l’on regarde les bateaux glisser sur le canal; au milieu des arbres et des bambous; par de chaudes journées, près d’un étang à lotus; en brûlant de l’encens dans la cour; après qu’enivrés, les hôtes soient partis; lorsque les plus jeunes sont sortis, pour visiter les temples retirés, etc.

Werner LAMBERSY, Poèmes du pays simple.


(lire, vous savez, c’est un peu comme ouvrir la porte à une horde de rebelles qui se précipitent sur vous et vous attaquent en vingt endroits à la fois)

Virginia WOOLF, Lettre à un jeune poète (1931), L’art du roman.

Livres et bibliothèques

La revue Conférence présentait naguère (n°24, printemps 2007) quelques pages consacrées aux livres et à la lecture, avec des contributions de Giuseppe Pontiggia, Maurice Chappaz, François Debluë, Brian Stock.

Christophe Carraud a choisi, traduit et présenté les pages de Giuseppe Pontiggia sous le titre Livres et bibliothèques. Je ne peux que vous encourager à vous y plonger – voir le site de Conférence. L’accès à l’intégralité des textes exige de s’abonner, mais c’est une dépense largement compensée par un vrai bonheur de lecture. N’hésitez pas ! Pontiggia, écrivain, critique littéraire, admirable érudit est plein d’humour. Sa passion des livres est illustrée ici dans une suite jubilatoire de petits chapitres. Les intitulés en constituent le programme: Enfer et paradis de la librairie ancienne / Catalogues et vices / Sur l’achat des livres /  Voyages aux alentours / De la fureur d’avoir des livres et de les accumuler / Bibliothèques en flammes / « Lisez-vous un livre par an ? » / Le livre comme expérience / Hesse et la bibliothèque universelle / L’utile littéraire / Le chien et la tortue / L’utile pour le lecteur / Goûteurs de livres / Lecture créative / Auteur, lecteur et non lecteurs / La réception de la littérature / Entretien éclair / L’orgueil de l’ignorance / Sur la réanimation d’un vice / Un livre pour la nuit / L’exposition d’Isis / Lire.

Il y a là 50 pages de pure jouissance pour les amateurs de livres.

Par ailleurs, profitez-en pour explorer le site consacré à Pontiggia.

Le palais du lecteur

Le palais du lecteur est plus durablement bâti que tout autre. Il survit aux peuples, aux civilisations, aux religions, à la langue elle-même. (…) Le portail demeure ouvert sur le monde magique. Je crois avoir déjà mentionné quelque part ce sage chinois qui attendait, dans une queue de condamnés, le moment de son exécution, plongé dans un livre, tandis qu’en tête de file, les chefs tombaient. Tout en suivant le mouvement, il s’était absorbé dans son texte comme Archimède dans ses cercles — un Occidental, ému par ce spectacle, obtint sa grâce. Le sage le remercia courtoisement, referma son livre et quitta sans le moindre signe de surprise le lieu d’exécution. Le plus souvent, le lecteur est distrait, non qu’il soit de force à résister au monde, mais parce qu’il le prend moins qu’un autre au sérieux.

Ernst JÜNGER, L’Auteur et l’écriture, p.190