Un impossible exil

Jean Sur cite Fernando Pessoa. C’est d’une brûlante actualité, d’une impérieuse évidence.

J’ai l’impression de vivre, dans cette patrie informe appelée univers, sous une tyrannie politique qui, sans m’opprimer directement, offense cependant quelque principe caché de mon être. Alors descend en moi, lentement, sourdement, la nostalgie anticipée d’un impossible exil.

L’herbe

Si immensément données lui ont été la vie et la sensibilité que l’herbe en même temps, plus que le désert encore, quand elle a de grandes étendues, déploie sous nos yeux l’image d’un monde sans noms, d’où nous serions absents, et c’est cette immensité sans nom qui frissonne et soulève le coeur, comme un appel qui ne nous appelle pas, et se tait.

Jean-Christophe BAILLY, Le propre du langage, p. 94

Je me souviens de l’espace infini de l’herbe. Du moins est-ce aussi un souvenir composé par la nostalgie d’un pays inconnu mais familier, celui de la prairie comme étendue sans limite des plaines herbeuses de Hongrie, où pointent, à intervalle régulier, les puits à balancier; de Saxe, de Prusse orientale, de Pologne, à perte de vue. Tentation de l’Est, d’une origine rêvée. Mais je ne connais pas encore les plaines de l’Ouest du Canada, des Etats-Unis, ni les grandes plaines de Russie, et, plus à l’orient encore, la Mongolie, …

Jean FOLLAIN

Dans Tout instant, ce recueil admirable, d’une langue précise, limpide, semée parfois d’images surprenantes, comme des pépites dans une rivière aux reflets étonnants, Follain évoque – à travers les objets – le temps (perdu) de son enfance, celui d’un monde disparu. L’image de la faïence ébréchée, du bol brisé, des fragments de vaisselle est la métaphore de ce recueil de fragments, de textes courts, souvenirs, éclats du temps. Le discours interrompu, l’évocation d’un instant, rendu soudain extraordinairement vivant par une annotation, un mot, un geste, précisément inscrits dans un souvenir incarné.

(…) J’ai peur qu’il ne tombe de mes mains …

(…) Il arrive que la vaisselle tombe des mains des femmes.

(…) le plat s’écrase à terre, montrant sa cassure sombre.

Pourquoi alors avoir le sentiment que le monde est merveille ? Est-ce parce que la servante est belle ? (…) Continuer la lecture de « Jean FOLLAIN »

Stockholm

Fin juin 2009, je suis allé quelques jours à Stockholm. Il faisait un temps exceptionnellement beau et chaud. Ce n’était pas mon premier voyage en Suède; j’y étais retourné quelques fois déjà, pour des réunions de travail, un rendez-vous, de très courts séjours qui ne me laissaient habituellement aucun temps libre. Cette fois-ci, c’était une sorte de pèlerinage sur les lieux où nous avions vécu, où j’avais passé quelques années de mon enfance, dans un séjour que je considère encore comme le paradis. J’ai gardé en mémoire l’adresse de cette petite maison de bois que nous habitions au début des années 60, dans la grande banlieue verte de Stockholm: 207 Hemskogsvägen à Enskede. C’est une famille avec des enfants, comme nous étions autrefois, qui y vit aujourd’hui. Je leur ai écrit, ils m’y ont invité, j’y suis allé. La maison a changé, en cinquante ans, mais à peine. Continuer la lecture de « Stockholm »