Jean FOLLAIN

Dans Tout instant, ce recueil admirable, d’une langue précise, limpide, semée parfois d’images surprenantes, comme des pépites dans une rivière aux reflets étonnants, Follain évoque – à travers les objets – le temps (perdu) de son enfance, celui d’un monde disparu. L’image de la faïence ébréchée, du bol brisé, des fragments de vaisselle est la métaphore de ce recueil de fragments, de textes courts, souvenirs, éclats du temps. Le discours interrompu, l’évocation d’un instant, rendu soudain extraordinairement vivant par une annotation, un mot, un geste, précisément inscrits dans un souvenir incarné.

(…) J’ai peur qu’il ne tombe de mes mains …

(…) Il arrive que la vaisselle tombe des mains des femmes.

(…) le plat s’écrase à terre, montrant sa cassure sombre.

Pourquoi alors avoir le sentiment que le monde est merveille ? Est-ce parce que la servante est belle ? (…)

(…) un de ces jours monotones et longs qui ne cessent pourtant pas d’avoir été, même si le souvenir n’en subsiste plus.

(…) Par les plus beaux soirs, les petits objets dont l’usure est si lente, ceux-là qui durent jsuqu’à ce qu’un hasard les brise, se laissent envahir par les ombres et par ces poussières insidieuses que l’air charrie.

(…) Est-ce que la terre va s’obscurcir et des lampes s’allumer ?

(…) dans ces jardins (…) où les rayons du soleil ont une bienveillance de prière.

Et dans le poème Exister:

(…) dans leur grand loisir
les objets reposent
et toutes ces poussières
dans l’air suspendues
qui faisaient se trahir des voix
ou se fermer des yeux
descendent sur les choses

et plus loin, éveillant une irrépressible nostalgie:

les robes ôtées perdent de leur tiédeur (…)


Je note encore (Tout instant, p. 59):

Pour qui peut en jouir s’étale la paix des étendues sans blasphème.