Misère et splendeur de la traduction

Cada pueblo calla unas cosas para poder decir otras. Porque todo sería indecible. De aquí la enorme dificultad de la traducción: en ella se trata de decir en un idioma precisamente lo que este idioma tiende a silenciar. Pero, a la vez, se entrevé lo que traducir puede tener de magnífica empresa: la revelación de los secretos mutuos que pueblos y épocas se guardan recíprocamente y tanto contribuyen a su dispersión y hostilidad; en suma, una audaz integración de la Humanidad.

Chaque peuple tait certaines choses pour pouvoir en exprimer d’autres. Parce que tout dire serait se condamner au silence. D’où l’énorme difficulté de la traduction, dont tout l’effort consiste précisément à exprimer dans une langue donnée ce sur quoi cette langue tend à faire silence. Mais, simultanément, on pressent la magnificence de cette entreprise: la révélation des secrets que les peuples et l’histoire chérissent réciproquement et qui contribuent tellement à leur séparation et à leur hostilité mutuelle. En quelque sorte, il s’agit d’une audacieuse intégration de l’humanité.

José ORTEGA Y GASSET, Miseria y esplendor de la traducción.[cité par Nicholas EVANS, Ces mots qui meurent. Les langues menacées et ce qu’elles ont à nous dire]

Pour chaque langue que tu connais, tu deviens un homme nouveau.

Proverbe tchèque

Plus tard [février 2015], je note: Il est intéressant de mesurer l’ouverture d’un pays aux influences étrangères, sa capacité à intégrer la diversité, au flux de traduction des œuvres étrangères.


Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiss nichts von seiner eigenen.

Goethe, Sprache in Prosa.

Esperar

Traduire – et il faut à ce sujet lire et relire tout ce qu’a pu dire Antoine Berman – ce n’est pas verser, ce n’est pas faire de la version, c’est esperar, c’est attendre et espérer que la langue se donne, qu’elle vienne à elle-même par le travers que lui ouvre l’autre langue.

Jean-Christophe Bailly, Le propre du langage, Seuil, p.127