Un peu de violence

La merveilleuse finesse de Annie Dillard !

Il ne se passera rien dans ce livre. Il y a simplement un peu de violence çà et là dans le langage, à ces carrefours où l’éternité épingle le temps.

[Voilà qui évoque aussi William Blake: L’éternité est amoureuse des productions du temps.]

Annie Dillard, Pélerinage à Tinker Creek

La surprise

La littérature agit sur les fibres nerveuses de celui qui a la chance de vivre la rencontre entre un livre et sa propre vie. Ce sont des rendez-vous qu’on ne peut ni fixer ni recommander aux autres. La surprise face au mélange soudain de ses propres jours avec les pages d’un livre appartient à chaque lecteur.

Erri de Luca, La Parole contraire.

La littérature essentielle

Si la culture, et plus spécialement la littérature, n’est jamais que le commentaire réfléchi, approché, perçant, resplendissant de la vie, ou bien elle prend acte de ce que celle-ci est entachée, entre autres choses, de répugnantes disparités ou alors elle l’oublie. Mais si elle l’oublie ou le méconnaît ou le dénie, elle ne vaut pas une minute de peine. Ou elle conserve ce que je regarde comme sa vertu essentielle, qui est révélatrice donc libératrice, et alors elle mérite que nous lui consacrions le meilleur de nos soins, de nos peines, de nos veilles. Ou elle est un divertissement, même de qualité, même agréable, auquel on sacrifie un instant avant de s’en retourner intact, inchangé, indifférent aux affaires courantes, et alors elle peut bien périr sans que je lève le petit doigt. Là est la question.

Pierre Bergounioux, Exister par deux fois, p.131-132

Le hasard

L’œuvre littéraire est une de ces menues portions en quoi l’existant se cristallise, prend forme, acquiert un sens qui n’est nullement figé, ni définitif, ni raidi dans une immobilité minérale, mais aussi vivant qu’un organisme. La poésie est la grande ennemie du hasard, bien qu’elle-même fille du hasard, et consciente qu’en dernière instance il gagnera la partie.

Italo CALVINO, Leçons américaines, p.116