Le rêve

(la plupart de nos rêves ne possèdent qu’une plénitude close. Désagréables ou heureux, leurs énigmes ont une sorte de suffisance dans laquelle nous pouvons sans fin nous tourner et retourner sans que rien ne change dans notre vie. Mais parfois, en des nuits très rares, il arrive qu’un songe constitue l’une de nos heures essentielles, qu’il éclaire, sans la moindre démonstration, le chiffre de nos jours, qu’il nous transporte là où notre désir d’infini et la conscience de notre finitude ne sont qu’un, là où les préoccupations de la vie usuelle, téléguidée et partant de faux maître, nous interdisent bien souvent de nous tenir : en notre âme même.)

Pascal RIOU, En notre âme même, Conférence n°22

Vivre

Paul Valet explique quelque part:

La question valérienne par excellence, non pas : être ou ne pas être (comme le croyait naïvement Hamlet) mais la vraie, la seule et unique : comment être en ce monde tout en n’y étant pas véritablement ?

Et Maurice Chappaz, dans les entretiens publiés sous le titre de A-Dieu-vat:

(Vivre est une énigme).
Je trouve très heureux qu’on ne sache rien. Il y a un mystère, on ne sait rien et on doit vivre. Et vivre, c’est la réponse à cette énigme, à ce fait qu’on ne sait rien. Mais il y a une réponse à donner et pas n’importe laquelle.

Attendre

Que faire, sinon attendre, espérer malgré tout, se souvenir de ce qui se passe en nous de profondément inconnu, mais exigeant. Cette énigme tenace, cette réserve éblouie, cette familiarité dont nous ne saurons rien, sinon qu’elle nous restitue ce qui nous est étrange.

Jean-Claude PIROTTE, Boléro, p.97

Qu’est-ce qui est « résolu » ?

[Ce petit texte de Walter BENJAMIN fait écho en moi à … « l’irrésolu, qui le résout ?  » de Goethe, dans son hommage à Nezâmi . Benjamin répond à la question, d’autre façon. Le mystère, l’incertitude, demeurent].

Qu’est-ce qui est « résolu » ? Toutes les interrogations de la vie déjà vécue ne demeurent-elles pas derrière nous, comme une coupe de forêt qui nous bouchait la vue ? La défricher, ou ne serait-ce que l’éclaircir, nous y songeons à peine. Nous continuons à avancer, nous la laissons derrière nous, et, vue de loin, le regard peut certes l’embrasser, mais elle reste indistincte, incertaine et dans une confusion d’autant plus énigmatique.

Sens unique, p. 118