Prendre parti

Le Monde diplomatique a la bonne idée, avec les éditions LLL (Les Liens qui libèrent), de publier dans une petite collection (Prendre parti) une série de textes majeurs, parus depuis 60 ans dans le mensuel.

Je découvre 3 textes de André GORZ:

  • Leur écologie et la nôtre
  • Pourquoi la société salariale a besoin de nouveaux valets
  • Bâtir la civilisation du temps libéré

Le premier date de 1974, il y a exactement 40 ans. Le deuxième de 1990 et le troisième de 1993. Les titres sont suffisamment explicites. Ils sont tous les trois d’une extraordinaire actualité, leur lecture est revigorante. Je les lis et relis. Et vous les recommande, toutes affaires cessantes.

La différence

La question de la différence ne devrait pas se poser puisqu’elle va de soi. Pourquoi parle-t-on [aujourd’hui plus qu’autrefois ?] de la différence ? Comme si la non-différence, l’indifférenciation était la norme ? Alors que c’est bien la diversité qui est la norme du vivant. L’idéologie (noire/sombre… ?) de l’identité, du semblable, du similaire, celle de l’assimilation, du clone, a la vie dure. Le divers fait peur au lieu d’éveiller l’intérêt, de stimuler la création. Les organisations – organisations sociales, entreprises – sont, la plupart du temps, engagées dans la répétition du même. Elle est mortelle, l’incapacité de notre société occidentale à se regarder depuis un ailleurs, à s’envisager comme l’autre de l’autre. Le politique, les média, ont une très grande responsabilité sur ce sujet. Les conséquences en sont majeures – et désastreuses.  René Girard nous alerte: Là où la différence fait défaut, c’est la violence qui menace. (cité par Th.Fabre, Éloge de la pensée de midi, p. 83)

Le progrès

afghanistan1En 1939, Ella MAILLART visite l’Afghanistan1. Elle découvre, dans une vallée, une filature construite par des ingénieurs allemands2.

Elle écrit à ce sujet: Essayant d’analyser ce que j’avais éprouvé en découvrant cette filature cachée au cœur de l’Hindou Kouch, je demandai aux Allemands si cela ne les inquiétait pas de penser à la misère que cette grande construction avait déjà causée dans la vallée. Les acquisitions techniques de notre civilisation ne sont-elles pas une malédiction lorsqu’elles arrachent les Afghans à leur milieu et les plongent trop brusquement dans une vie qui n’a pas été faite pour eux ? Mais ces ingénieurs n’étaient pas disposés à reconnaître que leur centrale électrique déracinait la vie des indigènes. Naturellement, ils mentionnèrent le Progrès, notre dieu émacié qui profite des guerres. C’était leur travail de construire, et tant qu’ils construisaient, ils étaient contents. Heureux ceux qui ont la vue courte et ne voient pas plus loin que ce qu’ils peuvent toucher ! Continuer la lecture de « Le progrès »

Mimétisme

Dans une société de grande civilisation, il est essentiel pour la cruauté, pour la haine et la domination si elles veulent se maintenir, de se camoufler, retrouvant les vertus du mimétisme. Le camouflage en leur contraire sera le plus courant. C’est en effet par là, prétendant parler seulement au nom des autres, que le haineux pourra le mieux démoraliser, mater, paralyser. C’est de ce côté que tu devras t’attendre à le rencontrer.

Henri MICHAUX, Poteaux d’angle