La relation de soin

Le soin, le souci, l’attention, sont autant de notions qui résument une norme forte du rapport à l’autre; elles semblent porter en elles-mêmes leur signification morale mais, au-delà de cette évidence, il y a aujourd’hui un courant philosophique qui fait de ces notions, et tout particulièrement de la notion de soin, le socle d’une morale radicalement nouvelle, qui serait au-delà de la morale des règles, de la morale des responsabilités ou de la morale des vertus. L’enjeu est de placer, à côté de l’armature de la philosophie morale, une relation de soin fondatrice du rapport à l’autre et fondatrice du rapport à soi. A l’origine d’une morale, mais également d’une politique.

France Culture, émission du 22/11/2012, Monique Canto-Sperber reçoit Frédéric Worms (professeur à Lille III): Que veut dire une éthique du soin ?

Austérité ou sobriété ?

Étrange et inquiétant aveuglement de nos gouvernants – à moins que ce ne soit pur cynisme, de mener une politique destructrice d’austérité1, qui vise à priver les citoyens des pays européens de l’essentiel, à réduire voire à supprimer ce qui rend la vie possible (le soin, les soins, l’éducation, la culture, la solidarité, …), plutôt qu’une politique raisonnée de sobriété, qui viserait précisément à réduire voire à éliminer tout ce dont nous n’avons pas absolument besoin, tout ce qui est superflu, qui n’est pas essentiel à notre vie. Chaque jour apporte confirmation de cet aveuglement, de cet égarement fatal, qui risque de nous conduire tous au désastre irréversible d’une violence sociale que plus aucune promesse ne pourra contenir.

J’ajoute plus tard [février 2015]: il est intéressant de noter que les mots ne sont pas innocents. En allemand, le mot Schuld est à la fois la faute et la dette. La dette est une faute à expier. Pas étonnants l’incompréhension, le choc culturel entre l’Europe du Sud – solaire – et l’Allemagne – protestante et rigoureuse.

Je note encore: Pierre Rhabi parle depuis longtemps déjà de sobriété heureuse. Mais bien sûr !

L’art du tir à l’arc

Par analogie avec le zen japonais,  je note que le travail du chant s’appuie sur les mêmes fondements:  la pratique silencieuse, le soin, l’attention, le calme intérieur, le contrôle du souffle, la posture du corps et celle de l’esprit. Ce qui fonde aussi l’art chevaleresque du tir à l’arc.

Ne pas choisir, mais agir en réponse à la situation exacte, et la situation exacte ne peut être connue que dans un abandon de soi-même. Un bon samu demande d’avoir éliminé le plus gros de tous les germes perturbateurs qui ne cessent de vouloir se manifester dans l’esprit. C’est à dire maintenir l’esprit dans une vacuité foncière, connue par la pratique et la purification du karma, les actes justes et sans restes. Ce n’est pas une discipline compliquée : il s’agit de s’appuyer simplement sur votre véritable état naturel. Cent choses, pourtant, peuvent vous en tenir éloigné à une distance incommensurable. Le désir de trop bien faire, par exemple, vous tiendra aussi éloigné du geste naturel que la négligence. Encore l’ego. Naturellement, ce que l’on ne sait pas faire, on peut rarement le réussir du premier coup. Il faut un long apprentissage, répéter cent fois tous les gestes de la tradition sur le métier.

Antoine MARCEL, Traité de la cabane solitaire, p. 32-33

On consultera avec profit E.HERRIGEL, Le Zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc.