De l’innocence, s’il vous plaît

En suivant ma curiosité pour la littérature qui s’écrit en Suisse, j’ai ajouté un jour à mon panier d’achats un recueil de récits de Erica Pedretti, Combien d’aurores encore …, édité à Genève, chez Zoé. Un peu plus tard, et pour ajouter à la confusion, un roman qu’elle a publié aux Editions Ecriture à Paris en 1992, Valérie ou l’oeil profane. En me fondant, sans creuser plus avant, sur la consonance de son nom, j’avais classé ce livre à l’époque parmi les nombreux livres de littérature italienne qui remplissent quelques rayons de ma bibliothèque au deuxième étage. Ce qui explique aujourd’hui pourquoi j’ai mis autant de temps à le retrouver, puisque je savais – depuis longtemps déjà, que Erica Pedretti, si elle vit en Suisse depuis 1945, écrit en allemand. De plus, elle est d’origine morave, de cette Europe centrale brisée par les guerres qui ont bouleversé le continent sans discontinuer sur tout le 20e siècle.

Fin juillet 2013, j’étais dans la petite librairie de Anne Ceran, à Montolieu, l’Alcyon. Il faisait un temps d’été lumineux et venteux, comme le ciel peut amener parfois depuis l’Atlantique, en cette période de l’année, des successions de cumulus extraordinairement étagés, des orages puis des matinées d’ombres fraîches et chaudes à la fois de grandes claques éblouissantes de soleil. J’aime passer chaque année à Montolieu, et particulièrement dans cette librairie – la libraire est charmante, et j’y fais toujours des découvertes parfaites.

Le 31 juillet, je sors d’une pile le petit livre de Erica Pedretti paru en 1997 chez C.Bourgois, De l’innocence, s’il vous plaît (Harmloses, bitte). Moins de 100 pages, mais des pages d’un récit frappant, l’évocation troublante de ce qui serait une époque de guerre pour un enfant perdu. Le texte est extraordinaire.

Je l’ai laissé reposer pendant plusieurs semaines, feuilletant quelques pages, me promettant un moment d’attention et de disponibilité particulières pour le lire. Continuer la lecture de « De l’innocence, s’il vous plaît »

Le présent

Il y a deux ans maintenant, j’ai découvert – au hasard de cette première matinée passée dans la belle librairie de Pierre Landry [Préférences, à Tulle], Annie Dillard. D’elle, le premier livre que j’ai lu s’intitule précisément Au présent 1. J’ai été immédiatement séduit, émerveillé ensuite plus encore par la découverte du Pèlerinage à Tinker Creek, qui est une exploration sensible et déterminante de la nature, dans son inépuisable révélation. C’est aussi l’incessante question de notre présence à ce monde qui vit, sans nous, d’une étrange vie indéchiffrable.

Annie Dillard note déjà, dans Une enfance américaine, son éveil au monde présent. Voici ce passage. Continuer la lecture de « Le présent »

Enculturation

(…) la diversité linguistique est intimement liée à l’extrême plasticité de l’expérience humaine. (…) Nous étudions les langues étrangères parce que nous ne pouvons pas vivre suffisamment de vies.1
(…)
Dans le domaine de la biologie évolutionniste, il devient de plus en plus clair que le trait définitoire le plus fondamental de notre espèce est précisément son potentiel d’enculturation, son ouverture infinie aux complexes motifs que la culture et le langage tissent sur la trame enfantine de notre esprit.

Nicholas EVANS, Ces mots qui meurent. Les langues menacées et ce qu’elles ont à nous dire, p. 236

La berceuse magique

Aussi loin que remontent mes souvenirs d’enfant, j’ai en mémoire une petite mélodie, une berceuse, que me chantait ma mère qui la tenait de ma grand-mère Suzanne Lyon, qui elle-même devait la tenir de sa propre mère, Félicité Claesen, née à Liège en 18611. Cette petite mélodie avait – et garde toujours pour autant qu’on la chante, un pouvoir magique absolu, celui d’alléger les chagrins d’enfant, d’apaiser le rythme respiratoire et d’arrêter ainsi, tout doucement, les hoquets des sanglots. Je n’ai jamais su – pour ne pas les avoir questionnées à temps, d’où venait cette mélodie magique: avait-elle des paroles, une suite, … ? Je n’ai jamais trouvé trace de cette berceuse, personne de mon entourage n’a pu me renseigner. Ce n’est pas que je veuille absolument percer le mystère mais, voilà, si quelqu’un la reconnaissait, je serais heureux qu’il/elle m’en fasse part.

La voici: